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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1051

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générales. On sait maintenant ce qu’il faut entendre par le mot harem en Orient, et je puis ramener le lecteur à la résidence qui m’avait inspiré ces réflexions, à l’habitation de mon noble hôte Mustuk-Bey.

Mustuk-Bey, le prince du Djaour-Dhagda, a passé les bornes de la première jeunesse. C’est un homme d’une quarantaine d’années, grand et bien fait, d’une physionomie qui serait un peu commune, si elle n’était éclairée par de beaux yeux bleu clair, limpides, sourians et perçans comme deux épées. Rien en lui ne décèle le feudataire ambitieux et rusé qui résiste constamment aux ordres de son souverain tout en conservant les apparences du respect et de la soumission. Il y a du bonhomme dans Mustuk-Bey, ou du moins dans ses manières et dans son langage. Il n’affecte pas le luxe oriental des pachas et des chefs de sa tribu. Son costume, sa tenue, sa maison, sa table, tout respire chez lui la plus extrême simplicité.

Derrière la maison du bey se trouve une petite cour carrée entourée de bâtimens bas, formant un seul étage. La cour étant un carré long, les deux bâtimens de côté couvrent une superficie double environ de celle qu’occupent les constructions placées aux extrémités. L’une de ces dernières n’est que le mur mitoyen qui sépare le harem de la maison du bey, et où l’on a pratiqué la Porte d’entrée. Deux petites portes, flanquées chacune de deux fenêtres, communiquent à chacun des bâtimens latéraux de la cour pavée de larges dalles. Le corps de logis du fond n’a qu’une Porte et deux fenêtres, et il est impossible d’entrer dans ce cloître silencieux sans se rappeler l’intérieur d’un couvent de chartreux. On est introduit d’abord dans une pièce assez grande, garnie de matelas et d’oreillers, sur laquelle s’ouvre une arrière-pièce faisant l’office de garde-meuble ou de grenier. Dans chacune des cellules disposées autour de la pièce principale règne et gouverne l’une des épouses du bey. On dit tout bas dans le village et même dans les villes voisines que l’univers n’est pas concentré pour le bey dans ces quatre murailles, et que d’autres établissemens analogues à celui-ci sont échelonnés de distance en distance sur les flancs du Djaour-Daghda. Ce serait là, à vrai dire, un luxe un peu dispendieux.

La hiérarchie est toujours respectée dans les harems, et tout Sardanapale qu’est Mustuk-Bey, quelque amoureux qu’il soit d’ailleurs de l’une ou de l’autre de ses jeunes femmes, ce n’est jamais que chez la première (en date) qu’il daigne tenir ses levers. Ce fut chez elle qu’il me conduisit, lorsque après avoir vu mon établissement pour la nuit dressé et achevé dans une grande salle en dehors de l’enceinte sacrée, je me déclarai prête à aller rendre mes devoirs à ces dames.

La dame en chef me parut avoir un étrange aspect. En la