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provoqué, je l’ai dit, une exploitation plus active des mines hongroises, et ces belles pierres, tout en conservant leurs teintes riches et variées, ont un peu baissé de prix. Il faut, pour la perfection de l’opale, qu’elle renvoie à l’œil toutes les couleurs du spectre solaire disposées par petits espaces ou paillettes ni trop grandes ni trop petites, sans qu’aucune couleur domine exclusivement. On lui donne ordinairement le nom d’opale arlequine, par allusion à l’habit du héros de la parade italienne, qui est formé d’un grand nombre de morceaux de drap de couleurs éclatantes et opposées cousus l’un à l’autre au hasard. La pâte de l’opale doit être un peu laiteuse et d’un léger vert céladon. Cette teinte laiteuse dans les verres est connue de tout le monde sous le nom même de teinte opaline. Tel est l’aspect de l’eau où l’on a fait fondre du savon, ou même celui des bulles de savon que les enfans soufflent au chalumeau pour les lancer en ballons légers, où la vapeur d’eau joue, par sa légèreté, le rôle que joue le gaz hydrogène dans les aérostats ordinaires. Le grand Newton n’a pas dédaigné de souffler, et même avec un certain art, ces pellicules savonneuses, qui, comme tous les corps minces, prennent les plus vives couleurs dès qu’elles ont atteint un degré de ténuité suffisant. C’est aux environs d’un deux-millième de millimètre, — cent fois ou deux cents fois moins que l’épaisseur d’une feuille de papier, — que la bulle de savon devient colorée et reflète toutes les couleurs du spectre solaire et de l’arc-en-ciel. Pour concevoir les couleurs de l’opale, il suffit d’admettre dans la pierre un grand nombre de petites fentes ou fêlures disposées par places isolées et d’une épaisseur variable, quoique toujours fort petite. Alors, suivant son épaisseur, chaque fissure donne sa couleur particulière, et il ne s’agit plus que de choisir les échantillons qui donnent l’assortiment de couleurs le plus complet. Il faudra y reconnaître le violet, le bleu indigo et le bleu de ciel, le vert, le jaune, l’orangé et le rouge. Le vert et le jaune semblent ordinairement plus rares que les autres couleurs.

Au reste, il est si vrai que les couleurs de l’opale proviennent de petites fissures dans une pierre très tendre, fendillée à l’infini, qu’en frappant au marteau ou au maillet de bois les masses vitreuses qu’on appelle cristal, ou le cristal de roche lui-même, on y détermine des fentes qui donnent les couleurs de l’iris, et qui même portent ce nom chez les lapidaires. Quand une pierre transparente contient naturellement une fissure colorée qui n’arrive pas jusqu’aux bords comme celles que détermine le marteau, on la taille en cabochon peu relevé, et l’on voit la fissure se jouer en diverses couleurs, suivant l’inclinaison qu’on lui donne. C’est principalement le cristal de roche qui donne ces effets d’iris; mais j’en ai vu dans la topaze blanche et dans