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et je ne pus me dispenser d’y assister avec ma femme. Ce mariage fit beaucoup de bruit parmi le monde élégant de la ville, tant à cause de la différence d’âge entre les deux époux que pour le luxe avec lequel la cérémonie fut accomplie.

Ainsi que Marsden me l’avait dit, la fiancée pouvait avoir près de cinquante ans ; elle devait avoir été très belle, car elle avait encore de magnifiques restes de beauté. Elle me parut très amoureuse de son mari ; mais quoique Marsden s’efforçât de paraître tout entier occupé de sa fiancée, il était trop évident que l’amour n’était que d’un côté. Le mariage conclu, Marsden reprit sa vie extravagante. Je ne le vis plus qu’une fois, car ses habitudes ne me convenaient pas, et j’aurais été très fâché que mes amis me supposassent dans des termes de grande intimité avec lui. Deux ans après environ, j’appris avec chagrin, mais sans surprise, qu’une séparation avait eu lieu entre Marsden et sa femme. Elle était retournée chez ses parens complètement ruinée, car elle avait été assez folle pour ne pas se réserver une partie au moins de ses biens. Marsden s’était embarqué à bord d’un vaisseau qui partait pour les Indes, en qualité de chirurgien. Deux ou trois ans s’écoulèrent et je n’entendis plus parler de lui. Lorsque le vaisseau qui l’avait emporté fut revenu, j’eus la curiosité d’écrire à Boston pour savoir de ses nouvelles. J’appris ainsi que Marsden avait touché tout l’argent qui lui était dû, et même quelques avances, et que, sous prétexte d’une petite excursion, il avait intentionnellement abandonné le navire. On ne l’avait plus revu, et on ne savait ce qu’il était devenu.

Connaissant ses habitudes de dissipation et son étourderie de caractère, je le regardais déjà comme mort, lorsqu’un de mes amis, officier de marine, qui revenait d’Orient et qui m’entendit parler d’Edouard Marsden, me dit qu’il l’avait rencontré portant des échantillons de thé à Calcutta, qu’il avait voulu lui parler, mais que Marsden l’avait évité, et que, l’ayant rencontré une seconde fois et l’ayant appelé par son nom, Marsden lui avait donné, pour se débarrasser de lui, une fausse adresse. Un an plus tard encore, j’appris qu’un habitant de Boston l’avait rencontré employé comme précepteur dans la maison d’un riche marchand parsis qui l’avait chargé d’enseigner l’anglais à ses enfans. Malheureusement Marsden connaissait mieux les règles de la grammaire latine que celles de sa propre langue, et, bien que causeur élégant et correct, il était théoriquement un assez triste grammairien. Comme les parsis bien élevés sont renommés pour la solidité de leurs connaissances élémentaires, Marsden fut bientôt congédié pour avoir en présence du père exposé incorrectement une des règles de la grammaire anglaise.