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vieux style en présence du nouveau. Les Romains, au temps d’Auguste, faisaient de l’étrusque ainsi que nous faisons du gothique, on trouve même dans les ruines de leurs villas quelques imitations des anciens murs pélasgiques. Le roi de Bavière a bien imité cette maçonnerie colossale dans les fondemens de sa Valhalla.

L’emploi de l’appareil étrusque s’est continué jusqu’au sein des temps modernes, et, chose remarquable, c’est dans cette Toscane, où Dante et Savonarole, qui, chacun à sa manière, semblent être les héritiers et les continuateurs de la sombre vaticination de l’antique Étrurie, c’est à Florence que se produit dans certains monumens de la renaissance ce retour au vieil art étrusque : il est manifeste dans les énormes pierres diamantées qui forment la base du palais Pitti, et qui, par leur masse et leur rudesse, reproduisent si bien le style sévère et grandiose des monumens étrusques.

Les anciens attribuaient aux Étrusques l’honneur d’avoir les premiers cultivé la sculpture en Italie. La célèbre louve en bronze du Capitule semble être un ouvrage de l’art romain, à demi formé par l’exemple de la sculpture étrusque, et débutant dans toute sa grossièreté et toute sa force. Ce bloc de bronze représente un animal dont le poil est fantastique, dont l’attitude est raide et gauche, mais dont le caractère est vigoureux, l’expression puissante, et qui respire bien la férocité primitive de Rome.

L’Étrurie, c’était l’Orient. Le caractère oriental est visible dans les ornemens sacerdotaux qu’on admire au Vatican. Rome sous les Tarquins est à demi orientale. Les grands travaux hydrauliques entrepris par eux font penser à l’Egypte et à Babylone. Les rois de Rome sont alors entourés d’une splendeur pareille à celle des souverains asiatiques, des monarques de Lydie. Le patriciat républicain hérita en partie de ces décorations du pouvoir monarchique. C’est que les patriciens de Rome étaient aussi altiers que des monarques. La pourpre royale bordait leurs toges blanches, leur chaise curule était l’ancien trône du lucumon étrusque; ils tenaient à la main le bâton d’ivoire, qui avait été un sceptre. Les douze licteurs et les faisceaux qui marchaient devant les consuls avaient précédé les souverains d’Étrurie, traînés sur un char qui devint le char triomphal des Romains. Les orateurs plébéiens n’exagéraient pas autant qu’on aurait pu le croire, quand ils disaient que les plébéiens n’avaient fait que changer de rois.

Les rois étrusques atteignirent l’apogée de leur grandeur au moment où leur puissance allait finir. Le dernier Tarquin acheva les murs et les égouts commencés par son aïeul et continués par son prédécesseur. Il entreprit d’élever, au moyen d’ouvriers venus d’Étrurie, dit Tite-Live, le grand temple de Jupiter Capitolin. Ce temple, tant de fois détruit et reconstruit sous la république et sous