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d’un homme moissonné trop tôt par les maladies du pays a prouvé qu’avec de la volonté on pouvait, de Damas même, atteindre les Bédouins au milieu du désert.

Lors des événemens d’Alep, en octobre 1850, une partie assez considérable des Bédouins Anézis, la tribu des Feddhans, donna la main aux musulmans de cette ville pour piller le quartier chrétien. En outre, ces mêmes Feddhans avaient volé depuis cette époque cent quarante-cinq chameaux appartenant à un agent consulaire anglais. De telles circonstances provoquèrent une mesure d’ensemble contre les Arabes. Le général en chef de l’armée d’Arabie, Émin-Pacha, réunit, dès le mois de mars, quatre bataillons d’infanterie, douze cents cavaliers irréguliers et de l’artillerie. Les troupes de ligne furent réparties entre Homs et Hama, deux villes assez rapprochées l’une de l’autre et situées toutes deux sur l’Oronte; la troupe irrégulière fut placée au lieu nommé aujourd’hui Salamieh, et qui, à une autre époque, porta le nom d’Irénopolis. Salamieh est situé à l’est de l’Oronte, à six heures de Homs et à dix environ de Hama. On cherche maintenant à y coloniser, en les y réunissant, les Métualis dispersés dans les divers villages du Liban et de l’Anti-Liban. Une source abondante, formant un ruisseau qui va se jeter dans l’Oronte en suivant la direction du nord-ouest, fait de Salamieh un point très habitable et assez avancé du côté du désert pour commander la partie la plus riche des pâturages que les Bédouins fréquentent pendant l’été. Quant au printemps, en revenant vers l’ouest, les Bédouins ont fait manger par leurs troupeaux l’herbe du désert, et tari, la chaleur aidant, l’eau des puits et des flaques formées par les pluies de l’hiver, ils se dirigent, à pas plus ou moins précipités, vers les bords de l’Oronte, vers ceux du Jourdain et vers les lacs de Damas, qui sont pour ainsi dire leurs dernières ressources. Les empêcher d’arriver là, c’est donc les mettre dans une position à accepter presque toutes les conditions qu’on juge convenable de leur imposer. Les troupes ainsi réunies avaient ordre d’arrêter les tribus bédouines quand elles se présenteraient, et de les obliger à demander la permission de porter leurs tentes sur les pâturages habituels. Cette permission fut accordée à certaines conditions qui n’avaient rien d’excessif, mais qui évidemment n’étaient, dans la pensée du général en chef, que le prélude de conditions plus sérieuses. Les Feddhans arrivèrent à leur tour. Ils avaient hésité d’abord à se présenter, car il restait encore de l’herbe au désert; mais quand le soleil l’eut brûlée, il fallut bien se résigner à venir compter avec l’autorité du représentant de la porte.

La première condition imposée aux Feddhans fut la remise de tout ce qu’ils pouvaient avoir retiré du pillage d’Alep, ainsi que la remise