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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1318

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tion, quelques scrupules ; on a même eu de la peine à trouver un rapporteur. Le fond de ces scrupules, qui retenaient quelques membres, c’est que le cabinet piémontais n’aurait pas pris des précautions suffisantes pour l’avenir, qu’il ne se serait pas assuré des ressources financières, si la guerre venait à continuer, en dehors de l’emprunt stipulé, — que le chef de l’armée sarde ne paraissait point avoir dans les conseils militaires la place qui lui était due. En définitive, ces scrupules se sont évanouis à la lumière de la discussion publique, et le Piémont s’est trouvé en état de guerre avec la Russie. La rupture a été déclarée des deux côtés. Le Piémont, en s’alliant avec les puissances occidentales et en acceptant toutes les conséquences de sa situation nouvelle vis-à-vis de la Russie, a-t-il cependant accompli un acte extraordinaire, en dehors du droit des gens, comme le lui a récemment reproché M. de Nesselrode ? S’il est vrai, comme on n’en peut douter, que la question agitée aujourd’hui intéresse la liberté et la sécurité de l’Europe, tous les peuples n’ont-ils pas le droit de s’associer à la défense de ces grands bienfaits ? Sans être encore directement atteints, il est vrai, ne sont-ils pas menacés dans tous leurs intérêts moraux et politiques ? Mais en dehors de ces considérations générales, la vérité est, comme l’a démontré M. de Cavour dans ses discours au sénat et dans sa réponse à M. de Nesselrode, que depuis quelques années les rapports entre la Russie et le Piémont n’étaient rien moins que réguliers. En 1848, à la suite de la guerre de Lombardie, la Russie avait rompu avec le Piémont, et depuis cette époque de véritables relations diplomatiques n’avaient point été renouées. Le cabinet de Pétersbourg n’avait pas même répondu aux notifications qui lui avaient été faites de l’avénement au trône du roi Victor-Emmanuel et de la mort de Charles-Albert. Plusieurs fois des tentatives de rapprochement s’étaient produites, elles étaient toujours restées infructueuses, soit parce que le cabinet de Pétersbourg se plaignait de la présence d’officiers polonais dans l’armée sarde, soit parce que l’empereur Nicolas ne pouvait consentir à un rapprochement avec le Piémont tant que celui-ci conserverait les formes constitutionnelles. Comme on le voit, le gouvernement de Turin, outre les raisons générales de nature à le déterminer, n’était point tenu par l’état de ses relations à des égards particuliers envers la Russie. Il a consulté ses intérêts, la situation de l’Europe, la grandeur même de, la question, et il n’a eu à enfreindre aucun droit pour s’allier avec la France et l’Angleterre.

La situation politique de la Belgique est loin d’être aussi simple. Voici quelques jours déjà qu’il s’est déclaré à Bruxelles une crise ministérielle dont la véritable cause est assez inexpliquée, et qui ne peut arriver à un dénoûment. M. Henri de Brouckère et ses collègues ont quitté le pouvoir en motivant leur retraite par quelques votes d’opposition émis par la chambre des représentans sur des questions très spéciales. Le roi a fait appeler le président de la chambre, M. Delfosse ; mais celui-ci n’a point accepté la mission de former un cabinet. Un autre député de la fraction libérale, M. Tesch, a été mandé au palais, et cette tentative n’a pas eu plus de résultat. M. Henri de Brouckère a été alors rappelé par le roi, mais il s’est obstiné dans sa démission. Enfin le chef du parti catholique, M. de Theux, a été invité par le roi à se rendre auprès de lui, et on ne sait ce qui en résultera. La réalité est qu’un ministère ne peut aujourd’hui arriver à se former dans des conditions