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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/150

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ni le drapeau exclusif d’une église nationale. Il proclame les libertés générales des églises catholiques et l’indépendance essentielle du pouvoir civil. Ce n’est point en particulier l’autorité des rois qu’il protège, mais, selon la remarque du savant Richer, celle du souverain politique dans toutes les formes de gouvernement.

Si les principes de la liberté religieuse prirent le nom de gallicanisme, c’est que la France se maintint avec plus de succès que les autres pays catholiques en possession du droit commun. Elle dut cet avantage en partie à la trempe libérale de son génie, en partie aux circonstances favorables qui entourèrent son avènement à la vie nationale. Il n’était encore question à cette époque ni des fausses décrétales, qui corrompirent si fatalement l’ancienne discipline ecclésiastique, ni de la prétention des papes de dominer à la fois sur l’empire et sur le sacerdoce. Les canons apostoliques et les décrets des premiers conciles, fondement sacré des libertés intérieures de l’église, conservaient en partie leur vigueur. Les beaux exemples de l’église d’Afrique, si illustre dans ces temps reculés, excitaient l’émulation du clergé des Gaules, et lui transmettaient le noble héritage d’une sainte indépendance. La France n’eut donc qu’à se défendre contre l’invasion des abus et de la servitude. Comme le dit fièrement un de nos vieux jurisconsultes, « pour s’être la France conservée en liberté plus qu’aucune nation qui soit catholique, on ne peut pas dire qu’elle ait été affranchie ; elle est franche et libre dès sa première origine. »

Comptées parmi les plus anciennes et les plus précieuses traditions nationales, les libertés gallicanes restèrent longtemps des coutumes respectées et inviolables, que les actes publics rappellent sans les fixer. Ce n’est qu’en 1594, au sortir des troubles de la ligue, qu’on éprouva le besoin de leur donner une forme plus précise. Pithou les recueillit et les mit en ordre. Grand citoyen, jurisconsulte profond, il dégagea nettement les principes de droit de la multitude et de la confusion des coutumes, Pithou ne se borna pas à rédiger les libertés en quatre-vingt-trois articles d’une précision admirable ; il en fit en quelque sorte la philosophie, en les réduisant à deux maximes fondamentales, dont toutes les autres, selon l’expression de Grosley, sont en même temps et la conséquence et la preuve. « Les particularités de ces maximes, dit-il, pourront sembler infinies, et néanmoins, étant bien considérées, se trouveront dépendre de deux maximes fort connexes que la France a toujours tenues pour certaines. La première est que les papes ne peuvent rien commander ni ordonner, soit en général ou en particulier, de ce qui concerne les choses temporelles es pays et terres de l’obéissance et souveraineté du roi très chrétien, et s’ils y commandent ou statuent quelque chose, les sujets ou roi, encore qu’ils fussent clercs, ne sont tenus leur obéir pour ce regard.