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dans l’ordre religieux, le concordat blessait les premiers principes du gallicanisme. Aussi le plus grand nombre des gallicans modernes n’a cessé d’y voir, avec Duhamel, « le tombeau des droits de l’église. » Le concordat faisait dépendre les évêques du roi et du pape, et les condamnait à être deux fois courtisans. Il inaugurait un régime d’absolutisme et de favoritisme. Il établissait, il est vrai, pour arriver aux dignités ecclésiastiques, la condition des grades en théologie, mais en accordant dispense aux personnages du sang royal ou d’une haute naissance, consanguineis régis ac personis sublimibus ; pour ceux-ci, les preuves de capacité étaient remplacées par des preuves de noblesse. Un pareil acte n’a jamais pu être que toléré par l’église de France, et en 1718, par exemple, des difficultés s’étant élevées entre la cour de Rome et le gouvernement français, « le conseil de régence déclara qu’on se passerait de bulles du pape (pour l’institution des évêques), parce que la Sorbonne ayant été consultée, l’avis de tous les docteurs avait été unanime sur le droit qu’ont les églises nationales de reprendre leur liberté, dont l’exercice n’est que suspendu par les concordats et revit avec leurs besoins[1]. »

Si contraires au gallicanisme ecclésiastique que soient les concordats, le parti ultramontain les attaque hardiment, comme s’ils étaient l’ouvrage des gallicans. Au fond, ce qu’il combat en eux, c’est le gallicanisme civil, dont ils avaient au moins le mérite de maintenir les principales garanties. Il feint d’oublier que la cour de Rome eut de beaucoup la principale part à celui de 1516, qu’elle fut partie contractante et prenante à tous les deux, que la papauté obtint par ces conventions une autorité infiniment plus étendue que sous le régime des pragmatiques, et qu’il n’y eut de dépossédés que le clergé et les fidèles. C’est pour Rome, enrichie de leurs dépouilles, qu’il réclame uniquement ; il trouve qu’elle n’a rien, si elle ne ravit la proie tout entière. Les rois, après tout, tenaient encore la place de l’élément laïque. Celui-ci était mal représenté, j’en conviens ; mais valait-il mieux ne pas le représenter du tout, et n’y avait-il pas dans cet ordre de choses, tout vicieux qu’il fut, plus de chances encore d’avoir un clergé en harmonie avec la société où il doit vivre que dans un régime où les églises catholiques reçoivent exclusivement leurs chefs de la main de Rome ? C’est pourtant ce régime que nos ultramontains envient à la Belgique et à l’Irlande, c’est là ce qu’ils appellent la liberté de l’église. On conçoit que le clergé du second ordre n’aime pas les concordats, qui ont rivé ses fers ; mais qu’il se rappelle d’où lui est venue primitivement la servitude, qu’il regarde où en sont les pays d’obédience, et il se convaincra que les doctrines gallicanes peuvent seules l’affranchir.

  1. Dupin, Défense de la loi organique du concordat