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Vous pensez quelle aumône, à ces tristes foyers
Où l’homme le plus riche à peine a des souliers !
Pour mieux gagner son pain, l’errante créature
Parfois, les soirs d’été, dit la bonne aventure.
Les filles, les garçons, au prix d’un liard ou deux,
Consultent par sa voix l’avenir hasardeux.
Vient l’hiver, la saison pour tous ingrate et rude,
Rien, plus rien n’adoucit alors sa solitude.
Neige et glace obstruant les seuils et les sentiers,
En son gîte désert, souvent, des mois entiers,
Elle couve un tison, bois mort, bruyère sèche,
Qu’elle glane partout, car pas un ne l’empêche.
Qui le lui défendrait ne serait pas chrétien !

De l’agreste conteur tel était l’entretien.

Depuis lors, chaque fois que l’automne flétrie
Du bruit de ses vents sourds berce la rêverie,
Je crois le voir encor dans le sentier pierreux
Traîner péniblement ton arbre aride et creux,
Mendiante aux pieds nus, hâve, maigre, débile,
Du vieux bourg délabré lamentable sibylle !


III.

LE VOL DES AMES.


Au coin d’une ferme en ruines
Où flotte un lierre, vert linceul,
Je suis venu me blottir seul,
À l’abri du vent des collines.

De là, vers l’immense horizon,
J’aperçois mieux courir la nue,
Et j’entends mieux la voix connue,
La voix de la triste saison !

Que tu me plais, rude harmonie,
Sauvage et terrible concert !
Que tu me plais dans mon désert,
Plainte des bois, sourde, infinie !