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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/179

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IV.


MON HÔTE.


Tandis qu’un doux soleil d’automne brille et dore
Mon jardin de campagne à demi vert encore,
Un hôte et moi, devant ma cheminée assis,
Nous causons. — Commensal qui vers tous les rivages
Fut longtemps promené par la soif des voyages,
Il me suspend à ses récits.

Les pieds au feu, plongé dans le fauteuil de chêne,
De ses longs souvenirs il déroule la chaîne,
Et souvent l’interrompt par un soupir amer.
Jeune, et le front pourtant déjà blanchi de neige,
Hélas ! qu’il est changé, depuis que le collège
En fit mon ami le plus cher !

— J’ai vu, dit-il, j’ai vu dans mes pèlerinages
Tout ce que l’œil peut voir de splendides images,
Tout ce qui donne à l’âme un éblouissement :
J’ai vu Rome étaler ses grandeurs souveraines,
J’ai vu Naples nager dans la mer des sirènes
Avec le soleil, — son amant !

Stamboul m’est apparue un matin, dans l’aurore,
Immense et magnifique, — au cristal du Bosphore
Mirant ses mâts, ses tours, l’or de ses minarets.
Que les jardins sont beaux où s’alignent ses tombes !
J’ai vu tourbillonner leurs essaims de colombes
Dans la nuit des vastes cyprès.

La Grèce m’accueillit sur sa plage immortelle ;
Les marbres adorés, les dieux de Praxitèle
Se montrèrent à moi, tous dignes de leur nom.
J’ai pesé les débris de Sparte et de Corinthe ;
Le beau m’a révélé sa plus sublime empreinte
Dans la splendeur du Parthénon !

Descendant à Jaffa d’une barque latine,
J’ai pu baiser le sol de cette Palestine
Que bénirent les pas du Dieu né dans Bethlem.