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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/354

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Cette date peut être regardée comme le vrai point de départ de l’ère ouverte à ces créations. Longtemps auparavant, on avait pris l’habitude, en Angleterre, de poser des rails sur le sol pour faciliter le transport des marchandises. Ces lignes avaient été en bois, puis en fonte, avant d’être en fer. On en faisait particulièrement usage dans les districts houillers de l’Angleterre, pour transporter le charbon jusqu’aux ports d’embarquement. Les premiers rails en fer furent établis vers l’année 1776, dans une mine de charbon de Sheffield, par un ingénieur civil nommé John Curr. C’était là un progrès notable ; mais on devait attendre encore un demi-siècle avant de voir donner aux rails une destination plus féconde. Dans l’intervalle cependant les lignes ferrées avaient reçu un développement considérable. Avant 1820, il existait déjà dans les seuls environs de Newcastle 600 kilomètres de rails, soit au fond des mines dans les galeries souterraines, soit en plein soleil. Les wagons qui conduisaient les charbons du district à la rivière de la Tyne ou à celle de la Wear arrivaient jusqu’au bord de l’eau, et vidaient eux-mêmes leur chargement dans les navires. À une autre extrémité de l’Angleterre, dans la principauté de Galles, le comté de Glamorgan, à la même époque, n’avait pas moins de 400 kilomètres de voies ferrées desservant aussi les houillères du pays. Ces lignes n’étaient cependant qu’un embryon qui ne présageait point les futures destinées des rail-ways.

L’invention de la locomotive, comme celle des rails, avait eu ses laborieux préludes. En 1804, on avait essayé sur une de ces routes une sorte de machine à vapeur sans que cet essai éveillât l’attention publique. En 1814, une nouvelle machine fut établie avec un pou plus de retentissement sur les rails dépendant aussi d’une exploitation houillère ; mais on n’eut pas assez de moqueries pour cette seconde tentative, qui resta un fait isolé. Un rail-way plus étendu que ceux qui l’avaient précédé, celui de Stocklon à Darlington, bien que construit surtout pour le transport de la houille, fut le premier travail qui appartint au nouveau système. Autorisé en 1821, c’est seulement en 1825 qu’il fut ouvert, et encore, à l’origine, n’employait-il que les chevaux pour remorquer ses wagons, mais il servait déjà aux voyageurs, et il se préparait à employer des locomotives. La création des chemins de fer demeurait incomplète tant que la machine à vapeur n’était pas définitivement installée sur ces routes. Du jour où cette machine en prit possession, toutes les perspectives s’élargirent. On resta, il est vrai, sur une multitude de points, entouré de ténèbres ; mais ou avait trouvé le moyen d’accomplir le vœu du siècle, d’assurer la vitesse des transports.

Une question qui n’était plus qu’une question de forme surgit à ce moment-là. — Aurait-on des machines à vapeur à poste fixe, tirant les voitures à l’aide de cordes tendues le long des rails, ou bien se servirait-on de machines mobiles emportant avec elles les wagons chargés ? — l’idée des machines fixes marquait l’enfance de l’art. Ces appareils n’auraient pas pu desservir un chemin de quelque étendue, à moins d’être démesurément multipliés. On s’est borné du reste à en faire usage pour gravir les plans inclinés dont la pente résistait à l’action des locomotives avant que ces dernières machines eussent été perfectionnées.

Toutes les conditions essentielles des chemins de fer furent réunies pour la première fois sur le rail-way qui vint rattacher l’une à l’autre deux grandes