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Tous les points qui ont une teinte grise, jaunâtre, bleuâtre ou rougeâtre, ou noire, conservent obstinément et toujours la même teinte ; il n’y a aucune végétation, pas même celle de ces mousses sèches qui varient un peu l’aspect des roches brûlées de l’Afrique méridionale. Il n’y a pas un espace grand comme un de nos jardins de médiocre étendue qui laisse apercevoir le moindre résultat de la vitalité. On n’y aperçoit non plus aucune construction qui ne soit due au hasard, aucune forme qui dénote une intention de la part de l’opérateur. Ainsi, en jugeant par les faits, nous pouvons affirmer que la lune n’est point habitée.

Mais, dira-t-on, à quoi sert-elle, et pourquoi avoir fait la dépense d’une si grande masse, dont le volume est la cinquantième partie de celui de la terre ? A cela, beaucoup de personnes répondront qu’elle sert à éclairer la terre, à guider les marins sur l’océan en leur donnant la longitude, enfin à exercer les mathématiciens sur une théorie prodigieusement difficile. Toutes ces raisons seraient excellentes ; mais alors pourquoi n’avoir pas donné de lunes à Mercure, à Vénus et à Mars, à Vénus surtout, qui, pour la grosseur, pour le poids et pour la place dans le monde solaire, peut être considérée comme la sœur de notre Cybèle ? J’aime bien mieux répondre que je n’en sais rien du tout. Socrate disait : La seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien. Je suis plus avancé que Socrate sur le sujet en question, car non-seulement je ne sais rien, mais encore je suis certain que les autres n’en savent pas plus que moi. En nous tenant à l’opinion probable, nous conclurons que tous les faits nous portent à croire que notre lune, et, par analogie, toutes les autres lunes du système solaire, n’ont point d’habitans. Ceci contredit formellement la seconde soirée de Fontenelle, « que la lune est une terre habitée. » La création est assez riche pour se passer d’utiliser des lunes comme habitation. Nos ancêtres disaient : Il n’y a pas de bonne maison où il ne se perde quelque chose.

Nous venons de voir que la lune n’est ni habitable ni habitée. Cette vérité nous servira à modérer l’ardeur de peuplement, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui avait saisi beaucoup d’esprits bien faits sous l’empire de cette idée, que toute masse matérielle offrant une vaste surface avait pour destination finale de servir de sol à une population d’êtres vivans, soit végétaux, soit animaux. D’après cette idée, on voulut peupler le soleil lui-même. Au premier abord, il sembla que peupler le soleil, c’était vouloir établir des êtres vivans au milieu d’un feu de forge, ou sur la surface d’un bain de bronze ou de fer fondu qui brûle les yeux quand on le regarde, même à une assez grande distance. Huygens et Fontenelle disent nettement que le soleil est inhabitable. Heureusement pour les colonisateurs de soleils