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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/593

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Or cette force ne peut subsister que par la cohésion des particules, et rend nécessaire l’existence même de ces particules, qui sont les élémens de la matière et doivent être inaltérables. Diviser un corps à l’infini, c’est le détruire, et la matière ne peut être détruite que par un miracle. On peut bien démontrer en mathématiques qu’un nombre, une quantité, sont toujours divisibles, et la moindre connaissance de la géométrie donne une excellente preuve de la divisibilité à l’infini d’une ligne ; mais les raisonnemens mathématiques ne sont nullement applicables dans ce cas, et c’est là un point sur lequel on n’a jamais assez insisté. Si, d’une part, il est vrai qu’une ligne qui n’est pas divisible ne peut pas être étendue, ce qui est impossible à supposer, — de l’autre, on ne peut prétendre que les atomes, même indivisibles, ne soient pas doués d’étendue. Si, avec des microscopes plus parfaits, on parvenait à les apercevoir, on verrait des corpuscules analogues aux corps que nous connaissons, seulement plus petits, mais ils jouiraient de toutes les propriétés de la matière. On pourrait fort bien les concevoir divisés, puisqu’ils seraient étendus, mais on ne pourrait effectuer réellement cette division : une force de la nature s’y oppose. Il y a là, entre concevoir la divisibilité et réaliser la division, une grande différence. Un exemple le fera comprendre : tous les corps s’attirent les uns les autres, d’après la loi de Newton ; il n’en est aucun qui ne soit soumis à la gravitation, — et cependant, nous concevons fort bien qu’il pourrait exister des corps qui ne s’attireraient pas. — l’indivisibilité des atomes est aussi une loi qui pourrait ne pas exister. Cela ne serait pas absurde en soi ; seulement la nature serait constituée autrement qu’elle n’est, et la matière serait autre chose que ce que nous entendons par ce mot. Je crois que cette distinction entre la divisibilité physique et la divisibilité mathématique, entre la division actuelle et la conception de sa possibilité, rend très compréhensible l’existence des atomes, que démontrent assez les raisons qui précèdent, quelques-unes des preuves de Lucrèce, et aussi la manière dont ils se prêtent à expliquer tous les phénomènes de la chimie. Je conviens que l’on a de la peine à se représenter des corps indivisibles, mais est-il donc si simple de concevoir une division poussée jusqu’à l’infini ? Ce mot semble toujours s’introduire dans les sciences pour les obscurcir.

Bien, on le voit, dans la philosophie n’interdit les atomes, et comme la chimie et la physique les demandent, nous n’avons aucune raison de les rejeter. Peut-on cependant les démontrer directement par une expérience ? En voici une que Wollaston considérait comme concluante, mais qui n’est guère qu’une vérification. On sait que la terre est enveloppée d’une atmosphère particulière ou d’air respirable qui, comme tous les gaz, jouit de la propriété de s’étendre, de se dilater, lorsque aucun obstacle ne s’oppose à son expansion. Cet air est d’autant