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tout en modérant le flux et le reflux de la spéculation ; mais une méfiance ou une condescendance également excessive apparaît presque toujours au fond de la politique du gouvernement de juillet à l’égard des associations particulières.

Quelques excellens principes néanmoins furent posés et maintenus avec constance. L’un des meilleurs est celui qui concerne la durée des concessions. Le système des concessions temporaires a été substitué au système des concessions perpétuelles, dont la restauration avait donné l’exemple. On devait choisir un moyen terme entre des limitations trop restreintes, nuisibles à l’accomplissement de l’œuvre, et des aliénations formelles, qui eussent appauvri le domaine de l’état. Ce point exact où il convenait de s’arrêter, le gouvernement de juillet ne le rencontra pas toujours, mais sa préoccupation semble avoir été de le chercher.

Les chemins de fer, n’étant concédés qu’à temps et comme par bail emphytéotique, constituent un fonds réservé dont la valeur appelée à grandir offrira certainement un jour d’immenses ressources. On ignore à coup sûr aujourd’hui ce que l’avenir décidera de l’exploitation des chemins de fer; tout ce qu’on peut entrevoir en ce moment, c’est que les chemins de fer pourront fournir un des meilleurs moyens d’exonérer le trésor d’une partie de sa dette perpétuelle. En supposant qu’à l’approche de l’expiration des concessions actuelles, le gouvernement juge utile de consentir un nouveau bail avec l’industrie privée pour un terme pareil au terme primitivement fixé, n’est-il pas évident qu’il serait à même d’exiger de larges compensations ? N’est-il pas même présumable que ces compensations lui seraient offertes à l’envi ? Or, s’il donnait aux rentiers de l’état, en attachant quelque avantage à cette novation, la faculté d’échanger leurs coupures de rente contre de nouveaux titres de chemins de fer, ne pourrait-il pas diminuer d’autant les inscriptions au grand-livre ? D’une manière ou d’une autre, le retour des lignes ferrées dans les mains de l’état, malgré quelques difficultés inhérentes à ce retour, produira des ressources propres à dégrever cet avenir, qu’on hésitait à charger du poids d’un emprunt lors des discussions de 1842.

Quant aux résultats économiques des chemins de fer, on ne peut encore les apprécier sur une assez grande échelle au moment où disparaît le gouvernement de 1830. A peine ouvertes sur quelques espaces très limités, ces voies nouvelles n’ont pas eu le temps de produire toutes leurs conséquences. Les changemens qu’elles vont entraîner dans de nombreuses branches de l’activité publique ne font que de s’annoncer. Les effets larges et positifs appartiennent à l’ère des exploitations développées. C’est en parcourant cette période que nous aurons à examiner l’organisation et le régime des grandes compagnies. Nous reviendrons alors sur les travaux qui s’accomplissaient au-delà de nos frontières, pendant que la France consumait sa principale activité dans le cercle des discussions. C’est la part prise par le gouvernement de juillet à l’œuvre des chemins de fer que nous avons surtout tenu à préciser. Ce gouvernement avait à donner l’impulsion, à diriger un laborieux mouvement d’études et de recherches : il laissait à l’avenir le soin de mener à bien l’œuvre commencée en disciplinant les compagnies et en terminant le réseau national.


A. AUDIGANNE.