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mariée leurs hommages. Le lendemain, elle a été accompagnée jusqu’ici par les mêmes gentilshommes et par des milliers de personnes accourues de tout le pays pour la féliciter avec les plus bruyantes acclamations. En approchant de Belvoir, notre cortège s’est encore accru; nous avons vu arriver des voitures, des aldermen, des corporations, des ecclésiastiques, qui ont présenté aux jeunes époux des vers sur leur heureux mariage. A notre arrivée à Belvoir, nous avons trouvé devant la porte vingt-quatre joueurs de violon, vingt-quatre trompettes, vingt-quatre dames et autant d’ecclésiastiques, qui se sont rendus en procession dans le grand appartement où s’est accomplie la cérémonie ordinaire des présentations et des félicitations. On a passé le temps, jusqu’au souper, à visiter le château et à assister à la préparation d’une immense quantité de lait caillé au vin de Xérès destiné à réjouir les visiteurs. Je n’avais jamais rien vu de semblable. Après le souper, qui a été magnifique, toute la compagnie s’est rendue dans la grande salle, les jeunes mariés en tête, et tous les autres suivant, deux par deux. Alors la scène s’est ouverte; le grand réservoir a paru, et les santés ont commencé. Ils ont bu d’abord dans des cuillères, puis dans des coupes d’argent, et quoique les santés fussent très nombreuses et très variées, au bout d’une heure de ce chaud exercice la liqueur ne paraissait pas avoir baissé dans le vase de plus d’un pouce. Lady Rutland a fait appeler alors tous les gens de la maison, et tous, à genoux, ont bu à la santé de l’époux et de l’épouse dans de grands gobelets pleins. Ceci a duré jusqu’après minuit. »

En même temps qu’on lui adressait le récit de ces fêtes aristocratiques et populaires, lady Russell recevait, de ses pieux amis, des félicitations qui répondaient mieux sans doute à l’état de son âme : «Vous avez passé par des scènes de la vie bien différentes, lui écrivait Burnet, devenu évêque de Salisbury; Dieu a réservé les meilleures pour les dernières. Il a relevé lui-même votre maison. C’est, deux fois par jour, une partie de mes prières que votre famille, qui est maintenant, dans les trois branches, la plus grande de notre âge, réponde à ces grâces divines par une sainteté exemplaire, et que vous et vos enfans vous soyez toujours, pour notre temps et notre nation, des bénédictions d’en haut. »

Elle venait à peine de marier son fils lorsqu’elle reçut pour lui une proposition aussi flatteuse que singulière. Une réélection générale se préparait pour la chambre des communes; le duc de Shrewsbury, grand sénéchal de la couronne, et lord Somers, garde du sceau, firent prier lady Russell de trouver bon que son fils, malgré sa jeunesse (il n’avait que quinze ans), se présentât comme candidat aux élections du comté de Middlesex : « J’ai fait à leurs seigneuries, lui