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Après l’expérience de deux siècles et la voix unanime de la postérité, nous ne savons pas encore ce qu’il faut penser de la révocation de redit de Nantes, qui semblait être le vœu général de la nation.

Reposons-nous enfin dans Louis XIV. S’il n’est pas notre ministre comme Richelieu, il est le roi de notre choix; il prête à l’avenir de la démocratie la majesté que Louis XI n’a pas su lui donner. Nous portons son joug avec complaisance, nous le sacrons au nom de la démocratie. Ses premiers pas et la poussière qu’il soulève font sur nous l’impression de la bataille de Marengo, en sorte que nous étendons à l’ancienne monarchie absolue la popularité de la nouvelle, et dans ce cercle vicieux, liant les siècles les uns par les autres, nous formons une conjuration éternelle au profit de la prérogative sans limites. Sommes-nous donc de la lignée des rois pour épouser si aisément le bon plaisir ? Est-ce que nous comptons à notre tour porter cette couronne ?

On pourrait croire cependant qu’à mesure que la monarchie de Louis XIV s’appesantit, la patience de nos esprits libéraux commencera à se lasser. Quand la personnalité de Louis XIV aura envahi l’état, quand tout sera effacé devant le pouvoir des intendans, nous permettrons-nous au moins un regret ? Les contemporains eux-mêmes étaient harassés; ne le serons-nous pas de traîner dans l’histoire nationale depuis tant de siècles ce lourd char de servitude ? Nullement; il semble qu’il y ait une sorte d’émulation entre la persévérance des rois à tout envahir et la patience de nos historiens à tout livrer, et que l’ambition ne puisse se fatiguer chez les uns, ni l’espérance chez les autres. Arrivé à ce moment de la domination de Louis XIV, s’il se trouvait quelqu’un d’assez mal avisé pour se lasser d’un spectacle aussi monotone, s’il pensait que le temps est venu d’aspirer au moins à un régime plus tempéré que le despotique, je lui fermerais la bouche par l’autorité de celui de nos historiens qui a souffert le moins de contradiction; je répéterais sa conclusion sur l’époque où nous sommes parvenus : « Qu’un établissement plus régulier que la monarchie sans limites eût valu moins pour l’avenir du pays, cela ne peut être aujourd’hui un sujet de doute. » Nous voilà au XVIIe siècle, c’est justement le mot qu’on nous disait au XIIIe. Ainsi il n’est pas même permis de poser la question; c’est un point fixé dans la science; celui-là se perdrait irrévocablement qui montrerait la moindre incertitude. Après cela, il ne reste plus qu’à courir tête baissée jusqu’à ce que nous rencontrions par hasard la liberté. Précédemment nous avons vu les républicains montrer que pour l’établissement final de la république, il fallait au préalable extirper tous les germes républicains; maintenant c’est le tour du théoricien de la monarchie tempérée : il montre que