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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/114

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français, s’était, par son langage, interdit l’entrée du pouvoir, et qu’il fallait désormais le regarder comme un étranger. Il parvenait bien à transmettre ses inquiétudes à ses amis, non à leur persuader d’imiter sa rupture, et tout en déclamant, il avait récemment consenti à des tentatives de rapprochement. Le duc de Portland, lord Fitzwilliam, lord Spencer, Windham, ne concevaient rien de sûr tant que Fox resterait en dehors, et répugnaient à se réunir sans lui au gouvernement. Dundas avait été chargé de leur offrir un plan de conciliation, d’où Fox n’était pas exclu. Il promettait quatre places dans le cabinet, qu’on allait rendre vacantes, notamment celle du chancelier lord Thurlow, qui avait perdu la confiance du premier ministre. La réforme parlementaire, l’abolition de la traite des noirs, l’abrogation de l’acte du test, enfin une certaine politique à l’égard de la France, tels étaient les points à régler, et sur presque tous on disait Pitt prêt à transiger. Sur le quatrième, les deux rivaux ne différaient que par le langage et les sentimens, car jusqu’alors la conduite était la même. Cependant Fox se portait d’assez mauvaise grâce à cette négociation : il en suspectait la sincérité. Tantôt il demandait que Pitt abandonnât la trésorerie à quelque personnage neutre, tantôt il lui donnait l’exclusion absolue en s’excluant lui-même. Déjà séparé des whigs négociateurs par le fond des sentimens, il se défiait d’une conciliation dans laquelle les personnes seules, non les cœurs, seraient réunies. Pitt, qui se disait réformiste et qui depuis huit ans de ministère avait laissé tomber tout projet de réforme, Pitt, qui prononçait les plus véhémens, les plus beaux de ses discours en faveur de l’abolition de la traite, déclarant que chaque minute de la prolongation de cet indigne trafic était un crime sans pardon, et qui se laissait mettre en minorité sur cette question par Dundas et ses collègues, tandis qu’il renvoyait le chancelier pour un dissentiment sur l’amortissement d’un emprunt, Pitt ne pouvait inspirer une entière confiance à ceux qui voulaient mettre d’accord les principes et les actes. Sans excès de malveillance, Fox le pouvait soupçonner de ne tendre, par ses avances, qu’à diviser l’opposition. En effet déjà les whigs de la nuance du duc de Portland commençaient à se plaindre des whigs de celle de Sheridan. Ils déploraient l’influence de la duchesse de Devonshire, qui était belle, hardie, remuante ; ils accusaient Fox de se laisser entraîner. Quant à lui, il répétait qu’il ne se séparerait pas de ses amis, et que la condition de tout rapprochement était que Pitt cessât d’être premier ministre. On lui répondait que l’honneur du gouvernement était engagé sur ce point ; mais on ne cherchait pas à compenser ce refus par des contre-propositions acceptables. Lord John Russell est d’avis que si en lui donnant satisfaction sur les mesures et sur ses amis, on eût offert à Fox le ministère