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parti whig, sans consulter Pitt ni se soucier de ses projets On allait jusqu’à dire qu’il avait offert au roi d’entrer en abandonnant les catholiques. « Quel homme ! » s’écrie Fox à cette nouvelle, qui du reste ne reposait sur rien d’avéré. L’offre le tentait, non pour lui-même, mais pour son parti. La maladie du roi ouvrait encore de plus vastes perspectives. On disait que sa vie ne pouvait se prolonger, et Fox pouvait s’attendre à voir disparaître ce qu’il regardait comme le grand obstacle à toute bonne administration. Ses espérances se relevaient sans que son ambition se ranimât. « Préparez votre âme à tout ce qu’il faut que vous soyez, écrivait-il à Grey, si les choses prennent un tour qui ne me semble pas improbable. Je vous donnerai toute assistance ; mais il faut que vous soyez à la tête. »

L’opposition fut très réservée sur la maladie du roi. On n’adressa aucune question pressante ; le ministère ne fit que de demi-réponses. Chacun voulait évidemment attendre, afin de mieux apprécier la durée et l’issue probable de ce grave incident Après quelques semaines, on annonça que le roi était en voie de convalescence. Il ne voyait qu’un de ses fils et un ou deux ministres mais c’était assez pour qu’on dût se taire dans tous les partis, Les négociations pour la coalition n’avaient pas été interrompues. Trois questions allaient donc être posées, qui pouvaient devenir décisives : la médiation de la Russie, l’Irlande et les catholiques, la défense du pays. Tout le monde était fort animé ; on n’espérait le concours de Pitt que sur la troisième question. Il était exaspéré contre les ministres ; il ne les ménageait plus. « Mais, dit Fox, il craint de se commettre contre la cour… et il ne peut agir en homme… La cour ! la cour ! Il ne saurait consentir à abandonner ses espérances de ce côté, et par ce motif il voudrait rétrécir toutes les questions d’opposition, de manière à n’être engagé que sur des questions isolées ou de détail. C’est une triste situation ; mais même le faire entrer de force, c’est une irruption sur le pouvoir royal, et comme telle une bonne chose, advienne après ce qu’il pourra. »

Ici la correspondance de Fox nous manque. Le dernier volume de ses Mémoires, celui, dit lord John Russell, qui fera connaître sa complète jonction avec lord Grenville, la chute du ministère Addington et les événemens subséquens, n’a point paru. Nous n’écrirons plus dans l’intime confidence de celui dont nous esquissons la vie. Notons seulement que les termes des lettres qu’il écrivait à Grey le 28 mars, et même le 13 avril 1804, sont tels, quand il parle de la conduite de Pitt, qu’on ne peut admettre qu’il y eût alors entre eux un rapprochement personnel. Or c’est dix jours après, c’est le 23 avril, que fut posée la question décisive, et que toutes les oppositions combinées donnèrent l’assaut au cabinet, qui ne survécut pas plus d’une vingtaine de jours. Dans l’intervalle, les expressions de lord John