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d’Autriche aux Carmélites et au Val-de-Grâce. Là, on n’aimait pas plus Richelieu que plus tard on n’aima Mazarin ; là, et particulièrement aux Carmélites, chez ces dignes filles de sainte Thérèse et de Bérulle, on priait pour les deux reines, bienfaitrices de la maison ; on priait pour les victimes de Richelieu, et il s’était trouvé une sainte religieuse, qui, en 1633, dans l’effroi et le silence universel, n’écoutant que la charité et l’amitié, osa élever la voix en faveur du garde des sceaux Michel de Marillac, exilé à Châteaudun, mit sur sa tombe une épitaphe magnanime, et qui mêla publiquement ses larmes à celles de Charlotte-Marguerite de Montmorency, princesse de Condé, quand la hache impitoyable du cardinal faisait tomber à Toulouse la tête de son frère. En 1633, Mlle de Hautefort avait vu frapper et disperser tout l’intérieur de la reine, Mme de Chevreuse, dont l’intrépidité devait au moins lui plaire, chassée de la cour pour la deuxième fois, et le chevalier de Jars, condamné à mort, ne recevant sa grâce que sur l’échafaud. Toutes ces cruautés indignaient Mlle de Hautefort ; la courageuse fidélité des amis de la reine excitait la sienne ; elle brava donc les menaces prophétiques de Louis XIII, elle repoussa toutes les offres de Richelieu, qui n’était à ses yeux qu’un tyran de génie, et elle se donna tout entière à la reine Anne, fermement résolue à partager jusqu’au bout sa destinée.

Richelieu, n’ayant pu la gagner, entreprit de la perdre dans l’esprit du roi. Plus que jamais il se mêla de leurs nombreuses querelles, non plus pour les accommoder, mais pour les aigrir. D’intermédiaire bienveillant, il devint un juge sévère. Aussi, quand Louis XIII était mécontent de la jeune fille, il la menaçait du cardinal. Celle-ci s’en moquait avec l’étourderie de son âge et la fierté de son caractère. Richelieu fit jouer sur le cœur du roi deux ressorts habilement inventés. Louis XIII était défiant et dévot. Des rapports perfidement exagérés lui apprirent que, dans l’intérieur de la reine ; Mlle de Hautefort faisait avec elle des plaisanteries sur ses manières, sur son humeur et sur son amour. D’autre part, lorsque, épris de plus en plus de la beauté toujours croissante de cette charmante fille, dont les grâces se développaient avec les années, il se reprochait un sentiment trop ardent pour être toujours entièrement pur, au lieu d’apaiser comme autrefois les scrupules de sa conscience, on les nourrissait, et on finit par lui faire un crime d’un attachement immodéré, condamné par la religion. Enfin, vers. 1635, à la suite d’une querelle plus vive qu’à l’ordinaire, le triste amant prit le parti de rompre avec une maîtresse aussi peu complaisante, et pendant plusieurs jours il ne lui parla plus. Il ne l’aimait pas moins, et le soir, chez la reine, ses regards mélancoliques et passionnés avaient peine à s’éloigner de l’attrayant visage. Il la contemplait en silence, et,