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dans le plus jeune et le plus brave capitaine de ses gardes, Potier, marquis de Gêvres, le fils aîné du comte de Trêmes. C’était un des jeunes seigneurs de la cour qui donnait les plus grandes espérances. Son service de capitaine des gardes lui faisant rencontrer souvent la belle Marie, il en était devenu éperdument amoureux, et sachant bien à qui il avait affaire, il avait soutenu ses ardens et respectueux hommages de propositions qui n’étaient pas faites pour être repoussées. Mlle de Chémerault, pour qui Mme de Hautefort n’avait pas de secret, en avertit Richelieu[1], qui en avertit le roi, afin de lui montrer que la belle dame n’était pas aussi insensible qu’elle le voulait faire accroire, et qu’elle répondait bien mal à sa royale affection. Louis XIII, transporté de courroux, envoya trois de ses gens chez Mme de Hautefort demander une explication. Celle-ci ne trouva pas de sa dignité de s’expliquer avec eux, et leur dit seulement que si le roi voulait bien venir lui-même, elle ne lui cacherait rien. Louis XIII y courut sur-le-champ, et elle lui avoua sans détour qu’en effet le marquis de Gêvres la recherchait et qu’il lui avait fait parler par un de leurs amis. Le roi se montra charmé de cette loyale déclaration, disant en même temps que si elle avait usé du moindre déguisement, il l’aurait chassée de la cour ; mais il ne s’en tint pas là : il envoya un exempt de ses gardes se plaindre au comte de Trêmes de la conduite de son fils, qui, étant à son service et recherchant une personne du service de la reine, osait le faire par des voies secrètes et sans en avoir obtenu la permission de leurs majestés. Il déclarait d’ailleurs qu’il ne s’opposait pas à ce mariage, mais sur un ton que le comte de Trêmes comprit fort bien. Se prêtant, en fin courtisan, à cette comédie, c’est lui qui s’éleva contre ce mariage, et le jeune capitaine des gardes dut signer une déclaration où librement il renonçait au dessein qu’il avait eu. Cette belle déclaration est des premiers jours de 1639[2]. Gêvres s’y serait-il arrêté après la mort de Louis XIII, s’il eût revu à la cour Marie de Hautefort plus brillante que jamais, et si une mort glorieuse ne l’avait pas emporté au siège de Thionville, quand il allait devenir maréchal de France ?

Parmi tant d’autres adorateurs de la belle dame qui paraîtront successivement, mettons ici, à côté du jeune et héroïque marquis de Gêvres, le vieux duc d’Angoulême, gouverneur de Provence, le fils de Charles IX et de Marie Touchet. Resté veuf de Charlotte de Montmorency,

  1. Lettres de Mlle de Chémerault, dans le Journal de M. le cardinal de Richelieu, p. 184 et 185 de l’édition plus haut citée.
  2. Nous tirons ces curieux détails d’une pièce inédite, enfouie à la Bibliothèque nationale dans le fonds Du Puy, n° 548, 549, 550. En tête de cette pièce, on lit : « Hautefort. Giesvres, 1639. »