— Vous partez ? demanda Thérèse.
— Oui, je pars, reprit-il ; je n’ai plus rien à faire ici. Dieu m’est témoin que j’aurais voulu y rester toujours, mais je ne suis pas celui dont vous aimiez le souvenir… Faut-il que je sois un étranger pour celle auprès de qui j’ai passé tant d’heures, les plus belles de ma vie ? J’ai peur que vous ne me pardonniez pas d’avoir si longtemps accepté un nom qui n’est pas le mien, et cette pensée m’est odieuse. Ah ! si vous étiez encore telle que je vous ai connue !… mais c’est impossible,… c’eût été trop de bonheur ! Serez-vous plus heureuse demain que vous l’étiez hier ? Je ne sais, j’ai fait mon devoir… Votre esprit est libre, Thérèse,… adieu !
Gérard était à bout de forces ; la jeunesse et l’amour faisaient explosion en lui. Il se retourna pour ne pas laisser voir le bouleversement de son visage et fit un pas vers la porte.
— Gérard ! s’écria Thérèse.
Gérard s’arrêta. Les yeux de Thérèse rayonnaient d’intelligence et d’amour.
— Mon nom ! dit-il, et d’un bond il tomba à ses pieds.
— Ah ! mes pauvres enfans ! s’écria Mme de Lubner, je n’y tiens plus, il faut que je vous embrasse tous les deux…
À quelque temps de là, un jeune homme, qu’on voyait souvent sur le boulevard, arrêta un de ses amis à la sortie de l’Opéra.
— Eh bien ! sais-tu la nouvelle ? lui dit-il.
— Laquelle ? Il y en a tant !
— Gérard, tu sais, ce pauvre Gérard qui était si gai et qui perdait toujours au lansquenet…
— Est-ce qu’il est mort ?
— Ah bien oui ! Il s’est marié.
— Ah ! mon Dieu ! et avec qui ?
— Avec une petite Allemande qu’il a rencontrée je ne sais où, sur les bords du Rhin… Voilà où mènent les voyages…
— Amen ! dit l’autre.