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trouver quelque attrait à des recherches sur ces planètes où les hommes pouvaient être transplantés un jour après leur vie terrestre. Les écrits de MM. Whewhell, David Brewster et Jean Reynaud étaient évidemment pour beaucoup dans la curiosité de ceux qui adoptaient avec faveur le sujet de cette conférence astronomique.

Mais, indépendamment de toute influence préexistante, rien n’est plus utile que de porter un regard d’ensemble sur les opérations de la nature, de s’élever au-dessus des idées étroites de ceux qui n’ont point perdu de vue leur clocher natal, pour étendre ses regards sur le pays et même sur la partie du monde qu’on habite. L’Europe, fière de sa population de deux cent cinquante millions d’hommes, avec sa puissance guerrière et intellectuelle, occupe la zone tempérée, et par les deux caps extrêmes de l’Espagne et de la Grèce, n’atteint même pas le 36e parallèle, laissant encore toute l’Afrique septentrionale et toute l’Égypte entre elle et la zone torride. Aussi, d’après la tendance naturelle qui nous porte à donner une importance exclusive à ce qui nous entoure, il nous semble toujours bizarre d’entendre parler des chaleurs intolérables de décembre et de janvier qu’éprouvent les habitans de l’autre hémisphère, au cap de Bonne-Espérance, dans l’Australie ou dans le Chili. Les froids de juillet et d’août dans les mêmes contrées ne nous paraissent pas moins étranges. Cependant, puisque les saisons sur la terre offrent déjà bien des circonstances extraordinaires, combien n’en trouverons-nous point, non pas en allant de notre pôle européen, asiatique et américain au pôle opposé, mais bien en allant de la région ardente — où la planète Mercure se meut sous les feux d’un soleil sept fois plus chaud qu’il ne l’est pour la terre — jusqu’aux confins du système solaire où Neptune occupe provisoirement la dernière place, recevant des rayons neuf cents fois plus froids que ceux qui sur notre globe et pour notre Europe font ces grandes divisions de l’année, le printemps, l’été, l’automne et l’hiver, dont les productions sont si capitales pour l’homme de nos climats, tandis que rien de semblable n’existe dans les latitudes intertropicales !

Toutes les planètes qui, comme la Terre, suivent leur marche circulaire autour du soleil, peuvent être divisées en deux catégories, l’une formée par quatre planètes de moyenne grosseur et voisines du soleil, savoir : Mercure, Vénus, la Terre ou Cybèle, et Mars. Plus loin du soleil, les quatre grosses planètes, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune, occupent un espace dont les limites sont trente fois plus éloignées du soleil que la Terre. Entre Mars et Jupiter est un espace immense qui n’est occupé que par de minimes planètes dont j’ai donné la liste et les noms dans la Revue. Au 1er janvier de cette année 1856, il y en avait trente-sept observées, et ce nombre d’ici à quelques années sera encore grandement augmenté. Kepler, le chercheur des lois du monde, s’était déjà étonné, il y a deux siècles, qu’entre Mars et Jupiter il y eût une place vide. Depuis le 1er janvier 1801, les astronomes modernes ont peuplé cette place vide de nombreuses petites masses planétaires qui, suivant une expression connue, ne feraient pas même la monnaie d’une planète de grosseur moyenne comme Mars ou la Terre. Ce partage des planètes en moyennes voisines du soleil, en intermédiaires d’une petitesse extrême, et enfin en grosses planètes occupant la région la plus éloignée de l’astre central, a sans doute une cause physique. Lagrange