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plusieurs consuls ; ils comptaient sur la protection de l’escadre française, et je ne crois pas me tromper en ajoutant qu’ils abusaient à dessein des concessions que l’ambassade de M. de Lagrené venait d’obtenir du gouvernement chinois en faveur du catholicisme. Au risque de compromettre le succès des négociations encore pendantes et de créer des embarras à notre pavillon, ils semblaient prendre à tâche de révéler avec ostentation leur présence illicite, de défier les mandarins par la solennité de leurs cérémonies, et d’amener ainsi entre le gouvernement chinois et l’ambassade de nouveaux débats dans lesquels ils savaient bien que le représentant de la France n’abandonnerait point les concessions acquises. Ils n’avaient donc rien à perdre, et ils pouvaient gagner beaucoup en multipliant autour de Shanghai leurs œuvres de propagande. La création d’un consulat français dans cette ville vint bientôt augmenter leur confiance et favoriser, grâce à l’énergique attitude du consul, M. de Montigny, les audacieuses entreprises de leur apostolat. Depuis lors, le catholicisme est professé et pratiqué plus ouvertement que jamais dans les villages où il a été introduit par Mgr de Besi, et les mandarins ne disent mot. La même tolérance, on le pense bien, n’existe pas dans les autres districts de la mission du Kiang-nan. Dès qu’ils s’éloignent de Shanghai, les jésuites ne peuvent visiter leurs paroisses qu’en évitant, avec les plus grandes précautions, d’éveiller les soupçons des mandarins.

Depuis 1851, les jésuites ont construit deux églises, l’une à Zi-ka-wei, dédiée à saint Ignace ; l’autre, à Shanghai, sous l’invocation de saint François-Xavier. Le père Hélot fut l’architecte, et le père Ferrer le sculpteur de ces édifices, dont les coupoles, surmontées de la croix, s’aperçoivent au loin et dénoncent en quelque sorte l’ambition et les espérances du catholicisme. Le père Broullion décrit avec soin la cathédrale de Shanghai et l’église plus modeste de Zi-ka-wei. Il rappelle que le prêtre chargé de diriger les travaux « fit de curieuses observations sur les procédés employés par les Chinois pour la cuite et la trempe de la brique, sur leur chaux qu’il dit hydraulique, sur la manière de se passer de pilotis… Plus d’une fois le père Hélot put constater que l’art de bâtir est, en Chine, plus avancé qu’on ne se le figure communément. Ainsi, lorsqu’il entreprit la coupole (de Zi-ka-wei), travail très délicat, il remarqua que plusieurs coupes de charpente, accueillies en Europe comme des découvertes ou d’admirables traditions romaines, sont tout aussi bien des routines chinoises. » Curieuse remarque, en effet, qu’il faut joindre aux témoignages déjà si nombreux qui attestent l’habileté des Chinois en toutes choses et l’antiquité de leurs procédés. Je ne suis point surpris d’ailleurs de l’observation du père Hélot : je me