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reconnaît que les procédés suivis dans les mines du Hartz sont moins perfectionnés qu’ailleurs, sous l’influence beaucoup plus féconde de l’intérêt privé.

À côté de cet exemple, on en trouve d’autres plus favorables au régime de la libre concurrence. Non-seulement la plupart des ouvriers soumis à ce régime vivent aussi bien et mieux que les autres, mais on voit naître parmi eux un nouvel élément inconnu aux premiers, l’esprit d’épargne et de prévoyance. J’aime à voir M. Le Play reconnaître la supériorité morale des ouvriers suisses. « C’est surtout, dit-il, par la profondeur du sentiment religieux et par les conséquences morales qui s’y rattachent que l’ouvrier de Genève et plusieurs autres types d’ouvriers de l’Occident l’emportent sur ceux de l’Orient. Les qualités qu’on observe chez les populations laborieuses de la Russie sont le résultat de conditions indépendantes du libre arbitre des individus. L’ouvrier genevois n’est lié par aucune entrave ; sa vertu moins passive ne dépend pas d’autrui ; c’est en lui-même, dans sa raison et sa conscience, qu’il puise la force nécessaire pour contenir ses passions et pour remplir ses devoirs. » Je me garderai bien de rien reprendre à ce portrait. Ces nobles qualités ont leur récompense. Un des premiers, Sismondi a peint en termes éloquens la vie heureuse des paysans suisses, leurs maisons de bois si commodes et si bien sculptées, leurs armoires remplies d’un beau linge blanc, le jardin plein de fleurs, l’étable pleine de bétail, la laiterie nette et bien aérée, les grands approvisionnemens de blé, de viande salée, de fromage et de bois, les livres et les instrumens de musique qui attestent des goûts élevés, le costume antique et pittoresque en même temps que chaud, propre et sain. Après lui, plus d’un observateur a reproduit le même tableau en insistant sur l’amour du travail, qui est la cause première de cette aisance. « La population de Zurich, dit un voyageur anglais, est sans rivale pour la culture. Lorsque j’ouvrais ma fenêtre entre quatre et cinq heures du matin, pour considérer dans le lointain le lac et les Alpes, j’apercevais le travailleur dans les champs ; lorsque je revenais de ma promenade du soir, longtemps après le coucher du soleil, le travailleur était encore là, fauchant son pré ou liant sa vigne. Il est impossible d’arrêter ses regards sur un champ, un jardin, une haie, à peine sur un arbre, une fleur, un seul végétal, sans remarquer les preuves du soin le plus assidu. » Je doute fort qu’il en soit de même sur les bords du Volga et de la Theiss.

Les deux monographies espagnoles, le métayer de la Vieille-Castille et l’agriculteur émigrant de la Galice, nous ramènent à d’autres idées. Les plaines à céréales de l’Andalousie, de la Manche et de la Castille appartiennent à de grands propriétaires ; les prairies de