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preuves, que ces monumens offraient une copie de la Minerve du Parthénon. M. Quatremère de Quincy a rendu populaire cette opinion, que M. le duc de Luynes et M. Simart ont adoptée. Le premier, il a fait concourir à la restitution de sa Minerve les tétradrachmes athéniens et l’intaille signée du graveur Aspasius. Aucun fait néanmoins n’a encore permis d’imputer à Phidias des types créés par des époques postérieures, en opposition manifeste avec ses œuvres. Je me hâte de dire que M. Quatremère de Quincy ne connaissait point les sculptures du Parthénon lorsqu’il écrivit son livre sur le Jupiter Olympien ; il ne les vit à Londres que neuf ans plus tard ; les lettres qu’il adressait alors à Canova montrent avec quelle sincérité il abjura ses préjugés pour se faire l’apôtre de la lumière nouvelle. Il n’y avait donc aucune témérité à combattre, ainsi que je le faisais au milieu des marbres d’Athènes, les théories de M. Quatremère sur Phidias. J’ignorais même dans ce temps quelle entreprise M. Simart conduisait dans le silence de l’atelier. Si j’ai été prophète sans le savoir en signalant les écueils contre lesquels M. Simart devait échouer, ce n’est pas pour abandonner les vrais principes, aujourd’hui qu’ils viennent d’être confirmés par une expérience éclatante et par le sentiment public.

Soutenu seulement par ses conclusions historiques et par l’influence secrète de son époque, M. Quatremère s’était formé de Phidias une idée que les monumens encore inconnus n’avaient point contredite. Il lui prêtait un style voisin de l’archaïsme ; il voulait qu’il fût resté étroitement attaché aux vieilles traditions, copiant les mannequins habillés somptueusement par les prêtres, s’efforçant d’en surpasser la richesse toute matérielle, n’employant l’or et l’ivoire que pour arriver plus sûrement à un luxe étincelant. En un mot, Phidias créait bien des types, et des types admirables, mais avant tout il fabriquait des idoles. Or, si ces idoles étaient adorées des artistes parce qu’elles étaient belles, elles étaient adorées de la multitude parce qu’elles étaient magnifiques, de sorte que la condition de la toreutique pour M. Quatremère, c’est d’arriver par la magnificence à la beauté. La conviction de M. Quatremère est si forte, qu’elle l’entraîne même à écarter les textes les plus précis pour chercher dans les musées une figure qui réponde à son idéal. Ainsi Pausanias avait dit expressément que la Minerve du Parthénon était vêtue d’une longue tunique qui lui tombait sur les pieds. Telle, en effet, la déesse est représentée sur les monumens innombrables de l’art athénien : elle n’a que la tunique, et M. Simart cette fois s’est conformé scrupuleusement au témoignage de Pausanias. Mais M. Quatremère le juge insuffisant ; il va chercher un modèle tout différent à la villa Albani, et choisit une Minerve qui porte, outre la tunique, le manteau deux fois enroulé autour d’elle. Il obtient ainsi trois