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dans la mémoire, ainsi que les petits cadres de Gérard Dow ou de Miéris. L’attention qu’on est forcé de leur accorder et le plaisir qu’ils causent finissent par faire oublier qu’un abîme les sépare des œuvres qui ont assuré à la sculpture grecque l’empire éternel de l’art ; cet abîme, c’est le progrès continu, qui finit bientôt par se changer en décadence. Hélas ! l’art, non plus que la vie, ne remonte point son cours : la maturité a beau se charger de parure, elle ne se refait point une jeunesse envolée pour jamais. On place la pierre d’Aspasius vers le premier siècle de l’ère chrétienne. Supposez-la plus ancienne encore, remontez jusqu’aux Ptolémées : je dirai que le siècle des Ptolémées aussi bien que celui d’Auguste, comparés au siècle de Périclès, sont la décadence.

Des preuves positives peuvent donc seules permettre de confondre les époques et de demander à Aspasius le secret de Phidias. Les auteurs nous apprennent-ils qu’Aspasius ait copié la Minerve du Parthénon ? Ils ne disent rien de semblable. — Aspasius était-il Athénien ? On l’ignore. — A-t-il du moins vécu à Athènes ? On l’ignore également. — Dès longtemps les artistes grecs s’étaient accoutumés à vivre à la cour des rois de l’Orient, puis dans la Rome des empereurs. Non, rien dans l’histoire n’autorise cette conjecture, qui repose uniquement sur un rapprochement. On a remarqué que les monnaies d’Athènes offrent un type analogue au type d’Aspasius. Or on supposait déjà que les monnaies athéniennes reproduisaient la tête de la Minerve de Phidias. Il était naturel de conclure que la tête d’Aspasius était elle-même une copie.

Les questions se trouvent ainsi reculées, mais elles ne changent pas. Quelle preuve a-t-on que les graveurs de monnaies athéniennes aient répété la vierge du Parthénon ? Aucune. — Pourquoi n’auraient-ils pas créé, eux aussi, un type monétaire, de même qu’on trouve sur les monnaies des villes grecques des types innombrables de Minerve ? Rien ne s’y oppose, et les chevaux ajustés sur la visière étaient peut-être destinés à rappeler le premier quadrige attelé par Minerve. — Au moins cette innovation remonte-t-elle au temps de Phidias ? Tant s’en faut : les médailles du beau siècle conservent toujours l’ancien type, avec la bouche souriante, l’œil présenté de face, et un simple casque couronné de feuilles d’olivier. Il semble cependant que l’enthousiasme excité par le chef-d’œuvre récemment créé aurait dû plutôt alors se traduire sur les tétradrachmes, tandis qu’après un ou deux siècles d’habitude, l’idée de copier sur les monnaies la déesse de Phidias est bien tardive. D’ailleurs ce nouveau type n’a rien que de médiocre ; la fabrique dénote une négligence que ne peuvent s’expliquer les admirateurs du génie attique. La forme des lettres ne permet point de croire les premiers coins de cette fabrique antérieurs aux successeurs d’Alexandre. Cent