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trop près les antiques pour n’être point sujet à des réminiscences. Du reste, ce n’est point le lieu d’exposer quelle différence profonde séparait l’école éginétique de l’école attique, dont Phidias était le chef : il me suffit d’avoir indiqué les principes de l’histoire et de l’art que j’estime les véritables. Quelques détails seulement me forcent encore à défendre Phidias. Qui reconnaîtra son style, par exemple, dans l’égide, courte et sans ampleur, tirée symétriquement comme la guimpe d’une jeune fille ? La tête de Méduse est copiée sur les vases et les terres cuites, mais ce monstre grimaçant n’avait-il pas été idéalisé par Phidias ? Il me faut du courage pour ne pas admirer sans réserve la petite Victoire, car elle est charmante. Elle est charmante, et pourtant ce n’est pas du Phidias. Le torse entièrement nu, la tunique, que la saillie des hanches ne peut déjà plus retenir, sont contraires à la tradition athénienne du beau siècle. Pour les Athéniens, la Victoire n’était point un être allégorique, c’était une forme différente de Minerve, c’était Minerve elle-même : elle avait un temple sous le nom de Minerve-Victoire. Il était donc naturel qu’elle fût entièrement vêtue : telle on l’a retrouvée au fronton occidental du Parthénon. C’était là qu’il convenait de chercher un modèle, et non pas en Sicile, sur les monnaies du roi Agathocle. Le serpent est beau : ses plis sont largement enroulés, son attitude a quelque chose de grandiose et de mystérieux ; toutefois Pausanias nous dit que Phidias l’avait placé auprès de la lance. Pourquoi mépriser de nouveau son témoignage et préférer des médailles ou des bas-reliefs qui le contredisent et perdent par là toute autorité ? Partout je reconnais cette timide sagesse, que le besoin d’appui a rendue téméraire ; les monumens ont été écoutés plutôt que les textes, les petits objets d’art confondus avec les créations de la grande sculpture, parce qu’il était aisé de les copier littéralement, tandis que s’inspirer uniquement des sculptures du Parthénon était un labeur redoutable. Aussi est-ce au nom de Phidias que l’opinion récuse l’œuvre de M. Simart, au nom de Phidias, dont les marbres toujours vivans protestent par leur muette, mais invincible éloquence. Au nom de l’art, dont les espérances ont été déçues, j’aurai peut-être le droit d’être plus sévère encore.


II.

Nous quittons Phidias et les secrets que le temps a rendus impénétrables. Les questions qui intéressent le progrès de l’art moderne ont une tout autre importance. La statuaire qui emploie les matières précieuses et les couleurs variées, la statuaire polychrome, était au fond le véritable problème. Méritait-elle de renaître ou de rester oubliée ? Quelle que fût la statue, l’effet matériel devait tout