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les surfaces de la tunique. Les rayons du jour ne trouvent point les contours polis sur lesquels ils aimeraient à se jouer ; ils sont brisés par mille traits qui les absorbent ; les ombres projetées par les saillies n’ont plus elles-mêmes ni transparence ni valeur. Bien plus, les ornemens, qui devraient se détacher sur le bas de la tunique en guise de légère broderie, disparaissent sous le réseau que le burin a creusé. N’était-ce pas le cas cependant de se rappeler que Phidias avait semé la draperie de son Jupiter Olympien de lis et de fleurs de toute espèce ? Ces fleurs n’étaient-elles point rehaussées de couleur, de même que la mosaïque byzantine, si pleine de traditions grecques, disposait ses peintures sur des fonds d’or ? Était-ce trop risquer que d’imiter par des émaux une broderie délicate ? Pour cela, il est vrai, l’or devait laisser éclater toute sa splendeur. « L’or, s’écriait Pindare, est comme un feu brillant qui resplendit à travers les ténèbres ! » La statue de M. Simart justifie mal un tel enthousiasme ; elle nous ferait plutôt comprendre la figure hardie dont se sert le prophète des Lamentations : « Comment l’or s’est-il changé ? comment a-t-il perdu sa belle couleur ? » Vous n’aviez pourtant qu’à demander à l’industrie moderne ses secrets pour appliquer les dorures les plus variées, de même que Phidias employait les teinturiers en or nommés par Périclès dans son discours au peuple. Aussi la tunique, chaste voile des formes, devait-elle être un tissu de lumière, tandis que les accessoires recevaient un ton moins vif. Des ors brunis, je suppose, plus favorables au mélange du bronze dont nous parle Pline, composaient les armes ; des ors verts, le serpent ou la Victoire ; l’or destiné à l’égide sortait plus rouge des fourneaux, puisque primitivement l’égide se peignait de vermillon, si toutefois je comprends bien le témoignage d’Hérodote. Enfin, sans prétendre déterminer la valeur des différentes parties, on peut pressentir que leurs rapports étaient réglés par un calcul exactement opposé au calcul de M. Simart, le motif principal jetant tout son éclat, tandis que les ornemens n’avaient qu’un éclat secondaire, propre à rehausser le motif principal. Mais surtout, on ne saurait trop le redire, que l’or reste de l’or ! Pourquoi l’employer, si vous ne voulez qu’en gâter la richesse et en éteindre les clartés ?

D’ailleurs ce qui est vrai pour l’ivoire ne l’est pas moins pour le plus précieux des métaux. L’or exigeait bien moins des procédés particuliers qu’une intelligence particulière. Il fallait comprendre sa nature, les avantages ou les difficultés qu’elle offrait ; il fallait ne point le travailler comme le bronze ou comme le marbre. Les Grecs, qui avaient poussé l’analyse dans les arts jusqu’au raffinement, savaient parfaitement que les principes d’exécution varient selon la matière, parce que les difficultés sont inégales, encore plus les