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enfin, appelé à prononcer en dernier ressort, s’est arrêté en présence de la décision du conseil académique et des explications données d’ailleurs par le professeur lui-même. Les choses en étaient là, lorsqu’il y a peu de jours un député a fait de cette question l’objet d’une interpellation adressée au gouvernement. Le ministre de l’intérieur, M. de Decker, tout en protestant de ses croyances catholiques et de son ferme attachement à l’église, a déclaré que, comme ministre constitutionnel, il se croyait obligé de maintenir jusqu’à un certain point les droits du libre enseignement. L’interpellation parlementaire n’a point eu d’autre suite. L’incident n’était point terminé cependant, car depuis ce moment les journaux catholiques n’ont cessé d’attaquer le ministère avec une extrême violence, et leur unanimité est telle qu’on ne peut s’empêcher de les croire en cette circonstance les organes de leur parti. S’il en est ainsi, il paraît difficile que M. de Decker se maintienne au pouvoir dans de telles conditions. Comment resterait-il au gouvernement entre les catholiques, qui l’abandonnent après l’avoir soutenu jusqu’ici, et les libéraux, dont il n’est pas le représentant ? La Belgique peut donc avoir une crise ministérielle. Un dernier incident qui a eu lieu récemment à Bruxelles et qui mérite d’être mentionné, c’est la démission donnée par M. Charles de Brouckère de son mandat de représentant. M. de Brouckère paraît avoir voulu éviter de prendre couleur dans la question de la charité, qui est sur le point d’être discutée dans le parlement et qui va remettre les partis en présence. Les électeurs de Bruxelles doivent se réunir dans quelques jours pour nommer un nouveau député, et ils semblent disposés à rouvrir à M. Charles Rogier les portes du parlement, d’où les électeurs d’Anvers l’ont éliminé au dernier renouvellement de la chambre.

L’Espagne assurément a un rôle à part dans les vicissitudes publiques de notre temps. Depuis deux ans bientôt, au-delà des Pyrénées, c’est une lutte permanente entre l’esprit de désordre, se prévalant des souvenirs d’une révolution victorieuse, multipliant les efforts, mais devenant chaque jour plus impuissant, et l’esprit de conservation, qui répond visiblement à tous les instincts comme à tous les besoins du pays, qui fait même des progrès réels, mais ne peut parvenir encore à se dégager complètement. L’opposition révolutionnaire, qui se compose des progressistes avancés et du parti démocratique, use de tous les moyens pour diviser Espartero et O’Donnell, en représentant ce dernier comme le chef d’une réaction occulte et en intéressant la vanité du duc de la Victoire. Elle ne réussit pas, elle est battue au contraire dans toutes ses entreprises. Les deux généraux en qui se personnifie la situation politique de la Péninsule, les deux consuls, comme on les appelle, restent donc au pouvoir, liés par une intime solidarité, et leur union est évidemment la garantie de la tranquillité matérielle de l’Espagne. Seulement cette union, qui n’est peut-être pas elle-même sans nuages, semble toujours le fait d’une nécessité accidentelle encore plus que d’une entière communauté de vues, et il reste à savoir si la modification partielle que vient de subir le cabinet de Madrid servira à donner au gouvernement de l’Espagne plus de fermeté décisive. Dans une telle mêlée d’hommes et de choses, d’ambitions et d’intérêts, il s’est produit récemment, à peu d’intervalle, quelques incidens qui sont en quelque sorte les préliminaires de la