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REVUE. — CHRONIQUE.

quelque fausse que soit la position où les jettent momentanément les nécessités de la tactique. D’autre part, le drapeau de la réforme administrative, en ralliant la bourgeoisie riche qui tient à prendre une part plus grande au gouvernement du pays, s’élevait comme une menace sérieuse pour tout ministère qui ne saurait pas se décider à des concessions convenables. Aussi qu’a fait lord Palmerston ? Sir William Molesworth étant mort peu de temps après son entrée aux affaires, le chef du cabinet s’est empressé d’offrir sa succession au fils du comte de Derby. Le fils du comte de Derby a refusé. Lord Palmerston s’est alors tourné vers M. Sidney Herbert. M. Sidney Herbert a refusé. Peut-être fallait-il s’attendre à ce double échec, car les deux hommes auxquels on s’adressait sont bien engagés aujourd’hui dans les combinaisons hostiles au ministère ; mais la tentative qui a été faite prouve du moins combien était réel le désir d’ouvrir une brèche dans ce cercle d’opposition qui allait se rétrécissant tous les jours.

Faute de pouvoir entamer l’espèce de blocus formé autour de lui, lord Palmerston a dû se contenter d’arrangemens plus modestes. Il a appelé au département des colonies un homme laborieux, éclairé, resté à l’écart de tous les partis, M. Labouchère. C’est un bon choix certainement au point de vue de la gestion des affaires ; mais il n’a aucune signification politique, et n’ajoute rien à l’influence parlementaire du cabinet. Quelques autres remaniemens attestent plus clairement encore l’embarras du premier ministre. Le duc d’Argyll était lord du sceau privé ; on en fait un grand-maître des postes, et on confie le sceau privé à lord Harrowby, qui était chancelier du duché de Lancastre. Il est bien évident que de pareils replâtrages ne sauraient rien changer au fond des choses. Ce sont de simples mutations de titres et de résidences officielles. M. Talbot Raines, qui présidait le bureau de la loi des pauvres dans la session dernière, et qui s’était démis de ses fonctions, reparait avec le titre de chancelier du duché de Lancastre et avec le droit de siéger dans le cabinet. C’est un représentant de la classe moyenne, et, en l’appelant à lui, lord Palmerston a encore voulu donner, dans la mesure du possible, un gage de sa disposition à écarter le reproche d’exclusivisme. Enfin lord Stanley d’Alderley, président du bureau de commerce, est également appelé à prendre part aux délibérations du conseil. Ces deux dernières promotions, en faisant monter au rang le plus élevé des hommes qui ne sont pas sans valeur assurément, mais qui jusqu’à présent avaient paru à leur place dans des fonctions purement administratives, ne sont-elles pas la preuve qu’il y a pénurie de premiers sujets, et qu’on en est réduit aux doublures ?

Sous ce rapport, on peut le dire, l’œuvre politique de lord Palmerston a échoué. Il n’a réussi ni à dissoudre la coalition organisée dès la session dernière, ni à renforcer son ministère par l’adjonction d’hommes considérables, ni même à trouver ces capacités nouvelles sur lesquelles, au dire de certains prôneurs de la réforme administrative, il était si facile de mettre la main. C’est un malheur sans doute, mais il n’a pas dépendu de lui de s’y dérober.

Dans les chambres donc, pendant la nouvelle session qui commence, lord Palmerston aura probablement plus de difficultés à vaincre qu’il n’en a rencontré pendant la session dernière. Le nombre de ses adversaires, loin