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au fond des cloîtres, ces sépulcres que les mœurs du temps ouvraient aux princes incapables de régner et aux royautés déchues. L’héroïque lignée des maires du palais d’Austrasie avait passé de la souveraineté de fait sur tout l’empire frank à la souveraineté de droit par la proclamation et le couronnement de Pépin le Bref, et cet empire, suivant en quelque sorte dans sa progression les destinées d’une seule famille, s’était accru en même temps qu’elle et successivement de Pépin d’Héristal à Charles-Martel, de Charles-Martel à Pépin le Bref. Quand celui-ci mourut en 768, son fils Charlemagne se trouvait déjà le plus puissant monarque de la chrétienté. Ce fut lui qui mit le comble à la grandeur de la France et à l’élévation de sa maison. Vers l’an 780, l’empiré s’étendait en longueur de l’Èbre à la Vistule, en largeur de l’Océan jusqu’à l’Adriatique, et de la Baltique aux montagnes de la Bohême, embrassant dans son sein l’Espagne septentrionale, l’ancienne Gaule romaine, presque toute l’Italie, le Frioul, la Carinthie, l’Alemanie, la Thuringe, la Bavière, la Saxonie, et les pays slaves limitrophes soit de la Baltique soit des monts Sudètes. Les habitans de ces vastes contrées étaient, ou sujets directs incorporés au territoire de la France, ou peuples vassaux faisant partie de son empire sous le gouvernement de leurs chefs particuliers, de sorte que la Hunnie, si reculée qu’elle fût vers l’orient de l’Europe, se trouvait doublement voisine des Franks, qui la resserraient dans leurs possessions comme dans les branches d’un étau, d’un côté par la Bavière et la Thuringe, de l’autre par l’Italie et le duché de Frioul, son annexe.

Charlemagne à ce moment avait fait taire tous ses ennemis, excepté deux (il est vrai qu’ils étaient dignes de ce nom), les Saxons, vassaux mal soumis dont les révoltes étaient périodiques, et l’empire romain d’Orient, appelé plus communément l’empire grec, qui cherchait à recouvrer en Italie, tantôt par la guerre, tantôt et le plus souvent par l’intrigue, le territoire et les droits qu’il y avait perdus. C’étaient deux causes d’agitations perpétuelles aux deux extrémités de l’empire frank. On donnait alors le nom de Saxonie à toute la largeur de l’Allemagne actuelle entre l’Océan germanique et les montagnes de Bohême, et à sa longueur entre la Baltique et le Rhin, non pas que les tribus de race saxonne occupassent tout ce pays, mais parce qu’elles le dominaient, parce qu’elles avaient réuni presque tous les peuples germains du nord, et même plusieurs peuples slaves, dans une confédération dont elles étaient l’âme, et à qui elles faisaient partager, avec leur aversion contre les Franks, leurs efforts incessans pour en secouer le joug. La confédération saxonne était flanquée à l’ouest et le long de l’Océan par la petite nation des Frisons, au nord et le long de la Baltique par celle des Danois, et à l’est par les tribus sorabes et vendes des bords de l’Elbe