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qui « osait dire que personne ne se hasarderait à aller plus loin que lui ; » mais en lisant leurs récits, on éprouve encore ce sentiment de répulsion et d’horreur qui inspirait à Cook ces lignes, où il faut moins voir de l’orgueil que le désir de préserver les navigateurs de dangers aussi inutiles qu’affreux. Sa relation n’était pas faite pour échauffer le zèle des explorateurs ; on oublia cette région condamnée à laquelle il appliquait les paroles de Pline l’Ancien : Pars mundi a naturâ damnata et densâ mersa caligine. Aussi, jusqu’à ces dernières années, la plupart des découvertes faites dans la zone australe furent-elles en quelque sorte accidentelles, et dues presque toujours à des pêcheurs de haleine égarés dans ces latitudes éloignées.

C’est ainsi que le groupe des îles Auckland, situées au sud de la terre de Van-Diémen, un peu au-delà du cinquantième cercle de latitude, fut découvert en 1806 par un baleinier nommé Abraham Bristol. Cet archipel présente d’assez bons ports, et dans ces dernières années le gouvernement anglais songea un instant à en faire un lieu de transportation après la grande agitation de l’anti-convict movement, résistance légitime contre l’introduction de nouveaux condamnés dans les colonies, devenues si prospères, de l’Australie ; mais le climat des îles Auckland fut jugé trop rigoureux, et l’on ne voulut point courir le risque de convertir l’exil en une condamnation à mort.

En 1810, l’île Campbell, située un peu au sud de l’archipel des Auckland, fut découverte par Frederick Hazlebourg ; en 1821, le Russe Bellinghausen s’avança jusqu’à une latitude presque aussi élevée que celle où était parvenu Cook, jusqu’à 70 degrés ; il vit et nomma deux petites îles Alexandre Ier et Pierre Ier, qui sans doute se rattachent à ce vaste groupe d’îles et de terres qui portent les noms de terre de Graham, de terre de la Trinité, de terre Louis-Philippe, etc., et furent depuis explorées par James Ross et par Dumont d’Urville, au sud de la Terre-de-Feu, entre le 60e et le 70e cercle de latitude. Deux pêcheurs de phoque, Palmer et Powell, découvrirent, le premier la terre de Palmer, le second celle de Powell, qui porte plus souvent le nom d’Orkney du sud.

Ce fut encore un capitaine marchand, James Weddell, qui le premier dépassa la latitude extrême que Cook avait atteinte ; son voyage, exécuté en 1823, fit à cette époque un grand bruit. Il visita les îles Orkneys du sud, les Nouvelles-Shetlands, la terre de Sandwich, autrefois reconnue par Cook, et s’engagea résolument vers le sud à travers les glaces. À sa grande joie et à sa grande surprise, il les vit graduellement disparaître ; le temps, d’abord très rude, devint assez doux, et Weddell se trouva sur une mer entièrement libre, où, selon son expression, il ne pouvait apercevoir jusqu’à l’horizon aucune particule de glace ; il arriva ainsi sous la longitude de 34° 17’