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pauvres filles criaient l’une après l’autre, comme qui veut faire parler un écho, et chacune rappelait sa mère, lui demandant si elle était morte et où elle se trouvait maintenant. Les mères, se faisant remarquer chacune par sa voix, répondaient toutes qu’elles étaient en beaucoup meilleur état et en plus de repos qu’auparavant.

Le démon accordait aussi à ses adorateurs des facultés qui leur permettaient de ressentir des impressions à distance et de lire dans la pensée d’autrui, témoin un couvent d’Espagne dont presque toutes les religieuses étaient possédées. L’une d’elles était tenue par un démon chef des autres, et il suffisait qu’elle exprimât le désir de voir auprès d’elle l’une de ses compagnes pour que celle-ci, quoique se trouvant loin de là et hors de la portée de la voix, se sentît intérieurement appelée et arrivât, parlant déjà de ce qui faisait l’objet d’une conversation qu’elle n’avait pas entendue. Témoin encore un couvent d’Auxonne. Là un évêque rapporte que toutes les filles de cette maison, qui sont au nombre de dix-huit, tant séculières que régulières, et sans en excepter une, lui ont paru avoir le don de l’intelligence des langues, car elles ont toujours répondu fidèlement au latin qui leur était prononcé par les exorcistes, qui n’était point emprunté du rituel, et encore moins concerté avec eux ; souvent elles se sont expliquées en latin, quelquefois par des périodes entières, quelquefois par des discours achevés. Toutes ou presque toutes ont témoigné avoir connaissance de l’intérieur et du secret de la pensée, ce qui a paru particulièrement dans les commandemens intérieurs qui leur ont été faits très souvent par les exorcistes en diverses occasions, commandemens auxquels elles ont obéi très exactement pour l’ordinaire, sans qu’ils fussent exprimés ni par parole, ni par aucun signe extérieur. De cela l’évêque fit plusieurs expériences, entre autres sur la personne d’une religieuse à laquelle il ordonna, dans le fond de sa pensée, de le venir trouver pour être exorcisée, et elle vint incontinent, quoiqu’elle demeurât dans un quartier de la ville assez éloigné, disant à l’évêque qu’elle avait été commandée par lui de venir. Une autre, sortant de l’exorcisme, lui dit le commandement intérieur qu’il avait fait au démon pendant l’exorcisme. L’évêque ayant ordonné mentalement à une autre, au plus fort de ses agitations, de venir se prosterner devant le Saint-Sacrement, le ventre contre terre et les bras étendus, la religieuse exécuta le commandement au même instant qu’il eut été formé avec une promptitude et une précipitation tout extraordinaires.

Jusqu’ici, dans les fragmens que j’ai fait passer sous les yeux du lecteur, c’est le diable qui a joué le grand rôle, et comme le diable est le père du mal, comme il est le type de la laideur, comme il se plaît aux actions détestables, les manifestations ont été empreintes