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bruit n’est pas précisément la renommée. S’il a recueilli quelques-unes des paroles échappées aux curieux, il doit s’apercevoir que l’indulgence de quelques-uns est combattue par l’étonnement du plus grand nombre. Je dis étonnement, je ne dis pas admiration.

Convenait-il de placer une statue équestre dans la cour du Louvre ? À cet égard, les avis sont partagés. Cependant, si au lieu d’écouter l’avis des passans on interroge les hommes qui ont étudié la décoration des monumens, on arrive à cette conclusion, qu’une fontaine peu élevée produirait dans cette cour un effet plus heureux. La richesse de l’architecture conseille de renoncer à tout ce qui pourrait en masquer la partie inférieure. Si l’on voulait absolument une statue, il eût été plus sage de placer la figure du roi debout sur un socle à hauteur d’appui. De cette manière, le regard des promeneurs n’aurait rien perdu. Toutes les belles sculptures de la renaissance qui ornent la façade intérieure du côté de l’horloge, contemplées librement comme par le passé, auraient gardé leur importance. Maintenant, quand on tourne le dos à Saint-Germain-l’Auxerrois, on n’aperçoit pas toutes les merveilles qui sont pour notre génération un sujet d’émulation et d’étude. C’est là un grave inconvénient dont il faut tenir compte, et j’espère que l’administration, après avoir recueilli les voix, c’est-à-dire consulté les hommes compétens, réduira les proportions de la statue, si toutefois elle persiste dans le choix du sujet, car ce que je dis de la façade intérieure du côté de l’horloge, je peux le dire des trois autres façades sur la cour, qui n’ont sans doute pas la même valeur comme décoration, mais qui cependant veulent être vues librement. Qu’on aille du pont des Arts à la rue du Coq, de la rue du Coq au pont des Arts, du pavillon de l’Horloge à Saint-Germain-l’Auxerrois, l’on est toujours désagréablement surpris en apercevant cette masse noire qui masque la partie inférieure du monument. Ces remarques, faciles à vérifier, engageront sans doute l’administration à modifier son premier projet. Elle comprendra que les dimensions de cette statue ne sont pas en rapport avec l’architecture du Louvre. Si le rez-de-chaussée du monument n’offrait qu’une surface nue, si l’ornementation ne commençait qu’au premier étage, l’inconvénient que je signale, sans disparaître tout entier, aurait pourtant moins de gravité ; mais il n’en est pas ainsi. La sculpture est partout, et lors même qu’on aurait devant soi, en traversant la cour du Louvre, une œuvre de premier ordre, le dédommagement ne serait pas suffisant. Tout doit être subordonné à l’effet d’ensemble ; si une erreur de proportion vient troubler cet effet, il faut s’empresser de la rectifier. La réclamation des hommes de goût sera facilement accueillie, puisque le modèle n’est pas encore fondu. Avant de faire le moule destiné à recevoir le bronze, on pourra réduire le cheval et le cavalier.

Quant au choix de la figure, je ne crois pas qu’il soulève de sérieuses objections. Il ne s’agit pas en effet de savoir si François Ier mérite tous les éloges qui lui ont été prodigués, s’il a donné aux lettres, aux sciences, aux arts tous les encouragemens dont parlent ses panégyristes. Les bûchers allumés sous son règne ne sont pas précisément un service rendu à la philosophie ; les flammes qui dévoraient les hérétiques projettent sur son nom une lueur sinistre ; mais quand il s’agit de décorer un monument, les récriminations historiques n’ont pas la même valeur que dans un livre destiné