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d’une coalition nouvelle. Et à quelle occasion le traité du 3 janvier 1815 était-il signé ? C’était à l’occasion des prétentions de la Russie sur la Pologne, sur ce qui restait du moins de ce royaume, sur le duché de Varsovie. La France et l’Angleterre eussent voulu la reconstitution d’une Pologne indépendante ; l’Autriche elle-même n’était point éloignée de s’y prêter. La Russie finit par l’emporter. N’est-ce point cependant un fait frappant que dans toutes les grandes crises le nom de la Pologne revienne toujours ? Par une aberration singulière, on a laissé tomber la cause de ce malheureux peuple aux mains des révolutionnaires, qui l’ont souvent compromise. Voici une crise nouvelle, et ce ne sont plus cette fois les révolutionnaires qui s’occupent de la Pologne, ce sont les gouvernemens eux-mêmes qui commencent à murmurer son nom, à envisager la possibilité de faire quelque chose pour elle. Nul ne peut dire ce que cache l’avenir ; mais du moins ne peut-on pas demander pour la Pologne le traitement que lui garantissait l’acte final du congrès de Vienne, en lui donnant le caractère d’un royaume-uni et non d’une province russe, en lui assurant le maintien de sa nationalité, — des institutions propres ? La Russie ne pourrait certainement dire que la révolution polonaise de 1830 l’a déliée de tout engagement, car ce n’est point avec la Pologne qu’elle se liait en 1815, et les obligations qu’elle contractait, elle les contractait vis-à-vis de l’Europe, qui trouvait une dernière garantie dans ce reste d’une nationalité survivante. C’est à l’empereur Alexandre II d’entrer dans cette voie de réparation. Cela lui serait compté à coup sûr dans l’esprit de l’Europe. Quant à la France, plus que toute autre puissance, elle est en position d’invoquer les stipulations préservatrices de ces traités, car ils ont été faits contre elle, et seule elle ne les a pas violés. Elle n’a point du reste à modifier sa politique pour que ses sympathies soient assurées à la Pologne, comme à tous les peuples à qui un appui est parfois nécessaire. La France peut être conduite parfois à contracter de grandes alliances. La tendance la plus essentielle de sa politique peut-être consiste à se tenir en étroite amitié avec des états comme le Piémont, la Suède, le Danemark, l’Espagne, le Portugal, dont le faisceau est une force. Aussi, dans le cas où quelque question relative au Piémont ou à la Suède naîtrait dans les prochaines négociations, l’appui de la France ne manquerait point certainement à ces deux pays.

Pour le moment donc et plus que jamais tout se résume dans la réunion de ce congrès, qui va tenir ses séances au milieu de nous. Paris a eu l’an dernier l’exposition universelle des beaux-arts et de l’industrie, la visite de la reine Victoria, la visite du roi de Sardaigne ; il va avoir cette année la plus grande assemblée diplomatique qui ait été tenue depuis longtemps. On ne la verra pas, mais sa présence se fera sûrement sentir, surtout si la paix sort de ses délibérations. Paris alors aura les fêtes de la paix. C’est au ministère des affaires étrangères que le congrès se réunira, et, suivant un usage consacré, c’est le ministre des affaires étrangères, M. le comte Walewski, qui sera le président, de même que M. de Buol présida, il y a un an, les conférences de Vienne. Chaque jour maintenant, les représentans des diverses puissances vont arriver pour se trouver à l’heure indiquée où va se poser solennellement cette grande question de la paix et de la guerre. En attendant, à côté de ces grandes affaires qui intéressent l’Europe entière.