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De nos jours cette science, la science de la vie, a pris son véritable rang, et elle a fait de rapides progrès. Elle a commencé à devenir sérieusement expérimentale; les découvertes se sont multipliées, et les savans ont été attirés vers les phénomènes dont elle s’occupe. Elle a cessé de n’être cultivée que par quelques rêveurs ou quelques philosophes, et elle a suivi l’anatomie dans ses progrès. Déjà Haller, vers la fin du XVIIIe siècle, avait marché dans la voie ouverte cent ans auparavant par Harvey. Il avait enseigné comment il faut en physiologie parler et agir, et avait préparé les esprits à comprendre l’anatomie générale, la mère de la physiologie, créée par Bichat. C’est ce dernier en effet qui, au milieu du développement expérimental de toutes les sciences, a donné à celle-ci une impulsion analogue. Cependant Bichat lui-même était encore un théoricien. Quoique observateur, il passait bien rapidement de ses observations à des hypothèses sur la vie ou sur la pensée; c’était un philosophe qui s’appuyait sur des faits au lieu de s’appuyer sur des idées. Aujourd’hui on a fait un pas de plus vers la réalité, et la physiologie est dans cette phase pratique que traversent nécessairement toutes les sciences, et où quelques-unes disparaissent, comme cela est arrivé pour l’astrologie, la scolastique et l’alchimie. Plus tard viendront les théories, maintenant on accumule des faits. M. Magendie est le représentant le plus moderne et le plus illustre de la science ainsi comprise. Il a encore augmenté cette tendance à observer et à expérimenter sur la vie en physicien et en chimiste, à réunir sans trop conclure des faits certains et déterminés. Cette marche est lente, exclusive, un peu étroite, et elle interdit dans la science l’emploi de l’imagination; mais elle est plus certaine et doit conduire à des inductions aussi larges et mieux assurées que les vues arbitraires et hypothétiques par lesquelles d’autres auraient voulu commencer.

Le nom et les succès de M. Magendie sont connus et appréciés de tout le monde, et il était depuis longtemps l’un des savans les plus populaires de France. Pourtant l’on sait peu en général et ce qu’il a fait, comment il observait, et sur quoi portaient ses observations. On sait qu’il a tué un grand nombre de chiens pour étudier leur organisation, et voilà tout. Les buts divers de ses expériences, les difficultés dont elles étaient entourées sont inconnus. On ignore s’il a laissé une doctrine et des élèves, et si des observations dont les circonstances paraissaient dès l’abord extraordinaires ont marqué sa trace dans une science dont le nom est célèbre, mais dont l’objet est mal connu. Les écrivains qui prétendent s’adresser au public plutôt qu’aux savans, et lui exposer les découvertes en langage usuel, ont fait rarement des excursions dans la physiologie, et lorsqu’ils ont parlé d’elle, ils ne se sont guère occupés que de la