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déterminé, M. Bernard a trouvé sur les parois de l’intestin de petites cellules analogues aux cellules hépatiques, et qui contenaient un liquide sucré.

Toutes ces observations si variées, si nombreuses, — et avant toutes celle que j’ai citée la première, l’expérience qui est la base fondamentale de la théorie, et qui consiste à trouver du sucre dans les veines hépatiques venant du foie, quelle que soit la nature de l’alimentation, et à n’en trouver ni dans l’estomac, ni dans le cœur, ni dans le sang d’aucune des autres parties du corps, — tous ces résultats si concluans avaient donc conduit M. Bernard à attribuer au foie la double fonction d’épurer le sang en lui enlevant les principes qui se retrouvent dans la bile et de lui ajouter du sucre, non pas formé par une pure opération chimique aux dépens de la fécule ou de l’amidon avalés, non pas séparé simplement des alimens, mais formé et pour ainsi dire créé de toutes pièces. Ces deux fonctions à la fois importantes et contraires, — la sécrétion de la bile et la production du sucre, — sont pour lui indépendantes l’une de l’autre, à tel point que l’une peut cesser tandis que l’autre subsiste, et que parfois même certains animaux possèdent deux organes différens affectés chacun à l’une d’elles. Ainsi, chez les insectes sur lesquels l’observateur avait opéré en dernier lieu, ce fait est à peu près démontré. M. Léon Dufour a décrit chez ces animaux des tubes déliés, capillaires, lisses ou boursouflés, tantôt courts, tantôt longs et reployés, qui renferment un liquide vert, jaune ou brun, en général amer. Ce liquide est suivant lui de la bile, et ces tubes ne contiennent pas de glycose. C’est au contraire dans une portion toute différente du corps, dans des cellules adhérentes à l’intestin, que M. Bernard a trouvé une production de matière sucrée. Il y a donc là une séparation anatomique évidente entre les deux fonctions et un organe affecté à chacune d’elles. Il y a deux foies, l’un pour la bile, l’autre pour le sucre. Chez les mollusques, on trouve une séparation physiologique non moins remarquable. Ainsi les limaces sécrètent tantôt du sucre, tantôt de la bile. Ces deux sécrétions ne sont jamais concomitantes. L’une commence quand l’autre cesse, et ces variations sont en rapport avec les diverses phases de la digestion.

Il y avait pour asseoir cette théorie bien des objections à lever, bien des vérifications à faire, et c’est dans ces combats et ces vérifications que le sagace observateur est surtout admirable. Ainsi l’on rencontrait cette difficulté : le foie est essentiellement propre à la localisation des substances introduites dans l’économie. Des matières qui n’ont été ingérées qu’en très petite quantité et à de très longs intervalles s’accumulent dans cet organe, et y restent des années entières. Les métaux par exemple administrés en solutions dans