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ramener le souverain pontife dans Rome conquise par les révolutionnaires ; c’est son armée qui reste encore la garantie la plus solide de la sécurité du saint-siège. Pour que de tels résultats aient pu être obtenus, il faut bien qu’il y ait quelque sagesse dans l’acte qui a fondé ce régime, et c’est cette expérience déjà longue qui fait du concordat de 1801 le type de ces sortes de transactions. Dans l’ordre des relations de l’église et de l’état, c’est l’équivalent de cette alliance de la raison et de la foi que le chef du catholicisme proclamait récemment dans l’ordre philosophique par une décision spéciale.

En est-il de même aujourd’hui du concordat autrichien ? Celui-ci, il faut l’avouer, a peu d’analogie avec le concordat français ; il lui ressemble si peu, qu’il a l’air d’en être la critique, critique indirecte et involontaire sans doute. Le gouvernement autrichien se dessaisit libéralement de bien des prérogatives que le pouvoir civil s’est réservées en France ; il n’est plus pour rien dans les communications du clergé avec les fidèles ou avec le saint-siège ; le placet est supprimé, le droit de nomination des évêques n’est maintenu à l’empereur qu’avec des restrictions ou des conditions. Le droit de posséder et d’acquérir est entièrement reconnu à l’église. Les ordres religieux pourront se multiplier indéfiniment. Les attributions de l’autorité ecclésiastique sont immensément étendues, elles sont étendues principalement en deux points essentiels. Par l’un des articles du concordat, les évêques, dans l’intérêt de la foi et des bonnes mœurs, sont investis d’un droit universel de censure sur tous les livres et écrits qui paraîtront, et le gouvernement impérial de son côté doit empêcher la propagation des livres jugés dangereux. Un autre article défère aux tribunaux ecclésiastiques toutes les causes relatives aux mariages, ne laissant aux juges ordinaires que la connaissance des effets civils de l’union conjugale. En un mot, toutes les questions se trouvent visiblement tranchées dans le sens d’une extension temporelle de l’autorité ecclésiastique. Que résultera— t-il de cet acte ? Il est à craindre qu’il ne devienne la source d’embarras et de conflits de toute sorte. Déjà même ces conflits ont commencé. L’archevêque de Milan et le patriarche de Venise notamment ont mis en demeure les libraires et les imprimeurs de la Lombardie d’avoir à soumettre à leur censure les publications qu’ils feraient paraître, et ils ont laissé voir l’intention de recourir au besoin au bras séculier. Ainsi, à moins d’une résistance du pouvoir civil ou d’un retour des évêques lombards à une interprétation plus modérée du concordat, la censure ecclésiastique se trouve pleinement reconstituée, et le gouvernement impérial est obligé de prêter main forte à l’exécution des sentences épiscopales en matière de presse et de littérature. Les complications pourront devenir bien plus graves en ce qui touche le mariage. Il y a ici, ce nous semble, une véritable confusion de pouvoirs. Voici en effet une autorité civile appelée à connaître des effets partiels d’un acte qu’elle ne peut apprécier ni dans sa formation ni dans sa validité. Cela existe ailleurs, nous le savons bien, et il est même des pays où il serait dangereux d’y toucher, tant cela est entré dans les mœurs et dans les traditions. Les conditions sont différentes en Allemagne, où il y a des cultes dissidens, où les mariages se font souvent entre protestans et catholiques. C’est une erreur singulière de croire encore aujourd’hui qu’on travaille à la grandeur de la religion en l’immisçant dans toutes les choses temporelles. Tant qu’elle reste dans son domaine, l’église