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dans ses états, le divan voulait faire passer en principe que ces troupes seraient exclusivement recrutées parmi les rayas, auxquels on était déjà résolu à concéder le droit de porter les armes. Les ministres ottomans croyaient montrer ainsi la loyauté des concessions qu’ils étaient décidés à faire, et c’était quelque chose en effet que la création en Turquie d’une armée composée de chrétiens et commandée par des officiers anglais; mais le projet n’eut pas plus tôt transpiré dans le public, que les patriarches et les primats firent entendre des réclamations très vives, demandant que leurs coreligionnaires, dans le cas où on les appellerait à porter les armes, fussent placés sous les ordres d’officiers turcs plutôt que sous le commandement d’officiers européens protestans et catholiques. Et de fait le contingent anglo-turc, comme on l’appelle, est aujourd’hui composé exclusivement de soldats musulmans pris dans l’armée régulière du sultan.

Que la Russie soit bien conseillée, et elle n’affrontera pas les chances menaçantes d’une nouvelle campagne; qu’elle soit équitable, et elle reconnaîtra que tout n’est pas sacrifice pour elle dans la paix qu’on lui demande de signer; qu’elle se laisse guider par le sentiment de ses devoirs envers l’Europe, envers elle-même, et elle ne bravera pas le torrent de colères et de malédictions qui ne manquerait pas de se déchaîner contre la puissance qui pourrait être accusée d’avoir empêché la paix de sortir des conférences de Paris.


V.

Ainsi, de quelque côté que nous promenions nos regards, nous ne voyons que des chances pour la paix. Nous croyons fermement que la paix est dans l’intérêt de tout le monde, comme nous croyons aussi que les bases sur lesquelles on traite sont justes et modérées, qu’elles n’imposent à personne des sacrifices exagérés, qu’elles ne font à aucune puissance, au détriment des autres, la part si belle qu’il doive en résulter des sentimens de jalousie ou de revanche à prendre. Et cette opinion n’est pas seulement la nôtre, elle est universellement partagée; car comment imaginer que toute l’Europe se serait mise à croire avec tant d’assurance à la paix, si le sentiment public, qu’il est impossible de violenter ou d’égarer dans une pareille question, n’avait pas déjà reconnu que les conditions qui sont mises en avant sont également acceptables pour tous dans la position que les événemens ont faite à chacun?

Plaise donc au ciel et à la sagesse des gouvernemens que la paix nous soit rendue ! Qu’elle reparaisse avec son cortège de bienfaits, avec ses travaux féconds, avec son influence civilisatrice. Si glorieuse qu’ait été la guerre, la paix sera la bienvenue pour nous, car