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même, fondement de la législation moldo-valaque, dernier héritage inaliénable de la liberté ancienne, qu’il s’agit aujourd’hui, non d’usurper, mais de racheter. Toute la réforme est là. L’Autriche, il n’y a pas longtemps, demandait des terres en Valachie pour les distribuer à soixante mille Allemands. S’il y a des terres à céder à bas prix, que ne les aliène-t-on aux indigènes plutôt qu’aux étrangers ? Voyez en outre ce que cette même Autriche vient de faire en Hongrie ; elle a proposé elle-même de céder une portion de terres aux paysans dans les conditions suivantes : un tiers de la valeur payé par le paysan, un tiers par l’état, l’autre tiers imposé comme sacrifice au propriétaire. Et par là l’empire a plus entamé la nationalité hongroise que par toutes ses armées. Craignez que l’Autriche ne prenne elle-même l’initiative de quelques propositions de ce genre parmi vous, car elle intéresserait ainsi les masses à sa domination politique et civile. Nous risquerions de perdre à la fois et sans rachat véritable, comme nous proposons de le faire, une terre inculte, et la nationalité roumaine par surcroît. N’espérons pas d’ailleurs que l’Europe nous affranchisse et qu’elle respecte chez nous tous les abus qu’elle a détruits chez elle. Demanderons-nous qu’on nous fasse une patrie, et stipulerons-nous que nous seuls en aurons le profit ? Voulons-nous à la fois tous les biens de la liberté, tous les avantages de la servitude ? Ce serait trop d’ambition. »

Telles sont, avec toutes les nuances que l’on peut imaginer, les opinions qui se heurtent entre elles sur ces matières.

L’accord se rétablit sur la question du clergé. Si partout ailleurs, même en Espagne, en Piémont, les biens d’un clergé indigène ont été sécularisés, qui s’opposerait, excepté la Russie, à la sécularisation des biens d’un clergé étranger, lequel ne peut être qu’ennemi ? Que font en Moldavie, en Valachie les moines grecs ? Cette population flottante ne sait de la langue et des usages du pays que ce qui est nécessaire pour le dévorer. Où vit-on jamais des invasions de moines étrangers s’abattre annuellement sur une contrée, la dépouiller, et se retirer pour faire place à d’autres qui recommencent les mêmes déprédations ?

Les monastères grecs en Moldo-Valachie possèdent, dit-on, le cinquième du territoire. Par un arrangement monstrueux, les richesses de ces couvons s’écoulent hors du pays, placées en réalité sous la main de la Russie, qui les fait administrer par ses créatures, les abbés du mont Athos et des lieux saints. Les tribunaux de Moldavie ont décidé que ces biens seront administrés dans les provinces mêmes. Qui croira que la Porte a brisé ce jugement au profit des moines étrangers, véritables serfs du tsar ? Comment la Turquie n’a-t-elle pas vu une chose aussi simple que celle-ci ? C’est qu’elle rend