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tion politique, — question immense à la vérité, mais qui ne peut se trancher que par des considérations politiques, et que l’empereur Alexandre ne peut résoudre en ce qui le touche qu’en observant sa situation, de plus en plus isolée, de plus en plus menacée en Europe. D’ailleurs, pour résister au dernier moment, pour reculer devant les plus simples et les plus directes conséquences de ses premières concessions, la Russie est allée bien loin aujourd’hui, et quand des puissances qui se combattaient la veille se sont rapprochées à ce point, il est difficile qu’une entente définitive et plus complète ne renaisse pas. Tout semble donc se réunir pour faire prédominer les chances d’une transaction, les prévisions de la paix. En lui-même, dans son principe, si les apparences ne trompent pas, le conflit actuel est un de ceux qui peuvent recevoir une solution favorable. Il faut s’entendre pourtant : cela ne veut point dire que, le principe d’un arrangement pacifique une fois admis avec ses conséquences principales, toutes les difficultés disparaissent aussitôt ; il en reste d’immenses. La rectification des frontières à l’embouchure du Danube ne pourrait, dit-on, être réglée que sur le terrain même par des commissaires des diverses puissances. L’organisation des principautés soulève des problèmes de toute sorte. Il est enfin une question qui se trouve dès ce moment, il est vrai, résolue en dehors du congrès, mais qui survivra à la guerre comme à toutes les négociations, et qui résume les destinées de la Turquie, de l’Orient tout entier : c’est la question de l’état des chrétiens et des réformes qui viennent d’être consacrées par un acte solennel du sultan.

Ce n’est point la particularité la moins curieuse de cette affaire qu’elle soit réglée justement en dehors de la participation de ! a Russie, c’est-à-dire de la puissance qui a toujours déguisé sous un prétexte de protection religieuse ses prétentions dominatrices en Orient. Le firman du 21 février est certes l’acte de la politique la plus libérale et la plus sage. Il consacre les anciennes immunités des chrétiens, leur droit à pratiquer librement leur religion et à bâtir des églises, leur admissibilité à toutes les fonctions publiques ; il supprime toute distinction ou appellation de nature à placer une classe quelconque des sujets du sultan dans un état d’infériorité vis-à-vis d’une autre classe, en raison du culte, de la race ou de la langue. Les chrétiens seront soumis, il est vrai, à une obligation qu’ils trouveront dure, celle du recrutement. Cette obligation est tempérée par la faculté du remplacement et du rachat. Un des côtés les plus graves du hatt-humayoun du 21 février est ce qui concerne le clergé chrétien. Les patriarches devront être nommés à vie. Ils prêteront serment à leur entrée en fonctions, de même que les métropolitains, archevêques ou évêques. Seulement la forme du serment sera réglée d’un commun accord entre la Porte et les chefs spirituels des diverses communautés. Les redevances ecclésiastiques de toute nature sont supprimées et remplacées par des revenus fixes attribués aux patriarches et par des traitemens en rapport avec l’importance, le rang et la dignité des divers membres du clergé. En un mot, l’église grecque se trouve réformée au profit des populations elles-mêmes, qui avaient trop souvent à supporter de véritables exactions. Aussi n’est-il point étonnant que les réformes nouvelles aient déjà soulevé de vives répulsions dans le clergé grec ; elles rencontrent de l’opposition dans le clergé chrétien comme dans le vieux parti turc et parmi