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versités sans originalité et sans vie. Seulement les idées de Ramus avaient commencé à ébranler l’autorité d’Aristote, et après que Bacon eut écrit, il paraît que Gassendi devint le maître préféré. C’était un acheminement à la philosophie de Locke, qui, dans la première partie du XVIIIe siècle, prévalait dans les écoles sans les tyranniser. Le médecin Pringle à Édimbourg, Carmichael à Glasgow, John Gregory au collège du roi d’Aberdeen, et Turnbull, qui fut le maître de Reid au collège Marischal de la même ville, enseignaient avec plus d’application que d’éclat une doctrine assez vague dont tout le mérite était d’éviter les hasards de la spéculation pure et de tendre à se rapprocher des méthodes d’observation. Rien n’annonçait qu’un mouvement original dût naître sur ce théâtre modeste de leçons indifférentes. On y formait peut-être de bons écoliers, il ne semblait pas qu’il en dût sortir des maîtres, encore moins une philosophie indépendante. »

D’où vient cependant l’impulsion qui l’a enfin produite ? Quel écrivain s’est le premier fait connaître dans la carrière où déjà l’Angleterre avait vu marcher à grands pas Hobbes, Cudworth, Boyle, Locke, Shaftesbury, Clarke, Berkeley ? André Baxter, qui par ses recherches sur la nature de l’âme humaine a eu dans son temps quelque réputation, ne peut être regardé à aucun titre comme un chef d’école, et si nous nommons ensuite Henri Home, ce nom ne réveillera pas peut-être beaucoup de souvenirs dans l’esprit des lecteurs, quand même ils apprendraient qu’il se changea plus tard en celui de lord Kames. Né en 1696, lord Kames, dont l’esprit vif et hardi était animé par une curiosité aventureuse, interrompit de bonne heure ses études de jurisprudence par quelques excursions dans le champ de la métaphysique, et ouvrit une correspondance en 1723 avec le docteur Clarke, qui tenait alors le sceptre de la science. Il lui chercha querelle sur quelques-uns des attributs de la Divinité, et n’obtint pas de réponse encourageante. Il poursuivit ses recherches en silence donnant au barreau la meilleure partie de son temps, et il ne publia qu’en 1751 ses hasardeux et incohérens essais sur les principes de la moralité et de la religion naturelle. Après lord Kames, le doyen des hommes illustres de l’Écosse au XVIIIe siècle ne serait pas moins que le docteur Reid, car il était né en 1710, et sa vie embrasse presque tout le siècle ; mais il commença par rester jusqu’à l’âge de quarante-deux ans pasteur de village. Il ne se produisit que fort tard sur la scène, et ne peut être cité parmi ceux qui ont donné naissance au mouvement des esprits, quoiqu’il en ait au jour venu pris la direction, et que les résultats de ses travaux doivent être à jamais comptés parmi les grands monumens de la science philosophique.

Lord Kames n’avait rien publié, et Reid était inconnu, lorsque