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La différence est grande pourtant, et le mérite bien inégal entre la reproduction photographique d’une peinture et la reproduction de ce même original par le burin. Les exemples ne manquent pas, et chacun a l’occasion aujourd’hui de se convaincre de cette inégalité par ses yeux. Il serait donc superflu d’insister sur une comparaison dont on peut à toute minute trouver et rapprocher les termes. S’il fallait choisir un spécimen entre mille, il nous suffirait d’indiquer, — en regard de la belle estampe gravée par M. Desnoyers, — la Vierge d’après Raphaël, qui fait partie d’une suite intitulée : les Maîtres photographiés[1]. On ne saurait prétendre toutefois que la gravure, quelle qu’elle soit, d’un tableau l’emporte nécessairement sur une épreuve photographique. Tout le contraire peut arriver, et il va sans dire qu’en accusant l’insuffisance du procédé, nous n’entendons sacrifier ses produits qu’aux œuvres du talent. À coup sûr, de bonnes photographies d’après les Stanze de Raphaël ou la Cène de Léonard seraient moins compromettantes pour la gloire des deux maîtres que les estampes de Volpato et de Morghen, et nous préférerions de grand cœur à ces imitations trompeuses, à ces travaux d’un burin débile ou volontairement infidèle, des images qui auraient au moins l’avantage d’une fidélité mathématique ; mais que l’on se pourvoie ailleurs et en meilleur lieu, que l’on rapproche une belle planche d’après quelque peinture de Raphaël, — la Vierge de François Ier d’Edelinck, par exemple, — et une photographie d’après le même tableau : on comprendra que l’exactitude littérale n’est pas, tant s’en faut, le dernier mot de l’art. Ce qui demeure ici à l’état de copie servile se montrera là sous une apparence plus digne du modèle. — D’un côté le fac-similé absolu, sans sacrifices, sans les modifications que commandaient le changement des dimensions et l’indigence d’un coloris réduit à deux seuls tons, de l’autre la ressemblance obtenue par un sentiment judicieux des beautés originales et des moyens laissés à la reproduction, en un mot l’analogie morale au lieu de la conformité inerte, un travail d’art au lieu d’un décalque. Ajoutons qu’en dehors de

  1. Les photographies qui composent cette suite n’ont pas été, il est vrai, exécutées en face des œuvres originales. Des copies peintes ont servi de modèles, l’administration des musées n’ayant pas, — très sagement d’ailleurs, — autorisé d’opération directe d’après les tableaux que le Louvre possède. Cependant, quelle que puisse être l’imperfection de ces copies, elle n’excuse pas des défauts qui existeraient tout aussi bien sans elle. Les défauts dont nous voulons parler, sont inhérens au procédé même. La preuve en est que des photographies obtenues sans intermédiaires, celles par exemple qui ont été faites directement d’après quelques tableaux de l’exposition universelle, ne sont, — au point de vue de l’exécution et toute proportion gardée entre les modèles, — ni meilleures ni pires que les photographies d’après les copies peintes de la Belle Jardinière, de la Vierge de Murillo, etc.