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Medjerdah n’avait pas un lit aussi encaissé, ce qui rend cette rivière à peu près inutile pour l’arrosage des terres. Il serait facile d’obvier à cet inconvénient par des barrages semblables à ceux que depuis la conquête on a élevés dans plusieurs rivières de l’Algérie ; mais le gouvernement tunisien songe peu à ces sortes d’améliorations. Vers la fin du XVIIe siècle un bey, meilleur administrateur que les autres, fit cependant construire à Tebourba un magnifique pont qui servait de barrage au moyen d’un système d’écluses. Malheureusement les vannes de ces écluses ont depuis longtemps disparu, et le pont n’est plus qu’un pont ordinaire. Si les eaux de la Medjerdah étaient utilisées pour l’agriculture, ce serait vraiment quelque chose de prodigieux que la fécondité du bassin de l’antique Bagrada, car dans l’état actuel du sol cette fécondité est déjà admirable. C’est bien la ferax Africa. Il est bon de remarquer, à ce propos, que les Arabes appellent cette contrée Ferikia, en y comprenant le district également très fertile de Badja, au nord de la Medjerdah, entre cette rivière et la mer. Cette partie septentrionale de la régence de Tunis est en outre abondante en minerais de fer et de plomb, dont deux mines sont exploitées, et en magnifiques forêts, dont quelques-unes sont les plus belles que j’aie vues de ma vie. La position maritime de Tabarka serait très convenable pour l’exportation des beaux bois de construction qu’on pourrait en tirer. Bizerte, qui est un port considérable, en est trop éloigné. Rien n’est gracieux comme la position de cette petite et jolie ville de Bizerte, bâtie sur le canal qui met en communication avec la mer deux lacs conjugués, à l’extrémité desquels s’élève une autre ville, Mater, entourée d’une campagne très riche. Ghar-el-Mélah, que les Européens appellent Porto-Farina, est également une très gracieuse localité.

Nous sommes insensiblement descendus de la région volcanique à la région maritime, et la vraie capitale de celle-ci, comme de toute la régence, est Tunis. On remarque à Tunis de somptueux monumens et de beaux quartiers ; mais l’ensemble n’a rien d’attrayant. La campagne en est poudreuse et aride, excepté sur quelques points, tels que le village de l’Ariana, le quartier appelé la Marsa, sur les bords de la mer, et la colline sur laquelle est situé le village de Sidi-Bou-Saïd. C’est entre cette colline et la Goulette que sont situées les ruines de Carthage. Toutes les villes du littoral tunisien au sud du cap Bon, telles que Nabel, Hammamet, Soussa, Monestir, Mahédia et Sfax, sont assez florissantes. Il s’y fait un immense commerce d’huile, surtout à Soussa, centre du Sahel, qui n’est qu’une vaste forêt d’oliviers, renfermant plus de cent villages ou bourgs, dont quelques-uns, pour l’étendue de leur population, pourraient bien prendre le nom de villes. Un de ces villages en effet, Msaken, compte dix mille habitans.