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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/132

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on ne peut mieux à cette portion de la régence de Tunis[1]. Gafsa est une assez agréable petite ville, bâtie à l’entrée d’une vallée conduisant dans le Djérid, qui passe pour la plus belle partie du Sahara, lequel a non-seulement la grandeur de ses admirables horizons, mais aussi de loin en loin les ombrages contrastés de ses oasis. Dans le Djérid, les deux plus gracieuses de ces îles de l’océan de sable sont Touzer et Nefta, qui sont vraiment des paradis terrestres. Toutes les productions végétales de l’Afrique et de l’Europe y croissent avec une vigueur luxuriante, sous la fécondante influence de la chaleur et de l’eau. Cette eau n’est pas d’ailleurs, comme dans un trop grand nombre d’autres localités, de l’eau de puits péniblement arrachée aux entrailles de la terre ; elle est fournie par de belles sources un peu thermales, qui forment une petite rivière poissonneuse pour chaque oasis. L’arbre le plus répandu dans ces localités est naturellement le palmier, qui produit la les meilleures dattes du monde. J’ai pu en suivre la culture et en étudier les amours, car on connaît le privilège de ce végétal dioïque.

Félix arbor amat : nutant ad mutua palmae
Fœdera.


On sait aussi que les amours du palmier sont dirigés par l’industrie agricole au moyen d’un procédé souvent décrit, et qui, rendant un mâle suffisant pour un grand nombre d e femelles, permet de consacrer à celles-ci la plus grande partie du terrain.

Le Djérid exporte chaque année une très grande quantité de dattes en échange du blé dont il a besoin, et qu’il ne produit pas. Cette grande opération commerciale se fait au printemps, à l’époque de la tournée du bey du camp[2]. Il y a quelques années qu’il se faisait par l’oasis de Nefta un commerce assez important avec l’Afrique centrale ; mais il est considérablement réduit depuis l’époque où le bey Ahmed a aboli la traite, des nègres. Nefta est peu éloignée de Souf, qui est la plus orientale des oasis du Sahara algérien, et communique avec Ghadamès par une ligne de onze étapes dans le désert. Le grand lac salé du Djérid appartient au système de ces grandes sebkha ou amas de sel, dont la ligne s’étend jusqu’à l’Océan et commence à la petite Syrte ou golfe de Gabès, vers la localité appelée Tref-el-ma. Ma pensée a toujours été, depuis que j’ai visité ces contrées, que la mer pénétrait autrefois par la dans l’intérieur du continent africain, où elle formait un grand bassin communiquant à

  1. Voyez les études de M. de Tchihatchef sur l’Asie-Mineure dans la Revue du 15 mai et 1er juin 1850.
  2. Le bey du camp est le commandant général des anciennes milices de la régence à l’exclusion des nouvelles troupes régulières. C’est une sorte de connétable. Cette charge est toujours occupée par le prince héritier présomptif.