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ou moins centrale du soleil, que l’on appelle l’excentricité, et la position de l’orbite, qui peut varier un peu en se rapprochant ou en s’éloignant du plan que cette orbite occupait à une époque prise pour point de départ. Or il résulte des calculs mathématiques de Laplace que toutes les planètes sont solidaires entre elles, et que quand l’une perfectionne en rondeur la route qu’elle trace autour du soleil, il doit y en avoir par compensation une autre qui fausse de plus en plus le cercle qu’elle décrit autour de cet astre pendant une de ses années. On peut en dire autant des inclinaisons. Si l’une des planètes écarte le plan de son orbite de la position moyenne de toutes ces orbites, il doit y en avoir une autre qui, par compensation, ramène le plan de son orbite plus près de cette moyenne générale. C’est une espèce de banque du désordre, lequel ne peut atteindre à une limite dangereuse ; mais aussi les compensations dont nous ayons parlé font que ce désordre, tout petit qu’il soit, ne peut jamais disparaître. Pourquoi ce petit désordre d’excentricités et d’inclinaisons ? d’où est-il venu ? La cause en est-elle contemporaine de la formation même de notre soleil en masse distincte au sein de la matière nébuleuse qui s’est divisée en soleils ? Convient-il qu’il y ait dans le monde une imperfection, même petite, et la compensation de ce désordre ne serait-elle point dans un soleil solidaire du nôtre et tournant sur lui-même en sens contraire, en sorte que son petit désordre étant en sens contraire au petit désordre de notre système solaire, le tout par compensation pût être regardé comme parfait dans son ensemble ? J’avoue qu’à tort peut-être de semblables questions me touchent peu ; mais comme après tout les considérations métaphysiques ont souvent mis sur la voie de découvertes importantes, rien n’empêche que l’on pousse aussi loin que possible les déductions probables d’une idée quelconque. On devra se regarder comme d’autant plus heureux d’avoir trouvé quelque chose par ce moyen, que l’on se croyait moins sur la route qui devait conduire à un fait positif.

Une conséquence remarquable de cette solidarité de toutes les planètes est que si dans la somme des excentricités une grande partie du désordre total tombait sur une seule planète, comme par exemple sur Mercure, qui est déjà fort excentrique, son orbite pourrait toucher le soleil par un de ses bouts, et qu’alors cette planète s’identifierait avec le soleil, qu’elle augmenterait du reste bien peu. Mathématiquement parlant, rien ne s’oppose à ce qu’il en soit ainsi, mais nous en avons encore pour bien des générations d’hommes avant que nos astronomes soient témoins d’une telle catastrophe, En prenant dans la Connaissance des temps de 1843 la table des excentricités et des inclinaisons que M. Leverrier a calculées pour