Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


30 avril 1856.

Un dernier acte manquait encore pour imprimer un caractère solennel et irrévocable à la pacification de l’Europe : c’était l’échange des ratifications du traité du 30 mars. Rien ne manque aujourd’hui à la définitive consécration de ce grand fait, le rétablissement de la paix entre la France, l’Angleterre, la Sardaigne, la Turquie et la Russie. Les puissances négociatrices ont sanctionné l’œuvre accomplie par leurs mandataires dans le congrès de Paris ; les ratifications ont été échangées il y a trois jours, et le traité, avec les divers actes qui forment ses dépendances, est maintenant livré au public. La guerre n’existe plus en droit comme en fait, les arrangemens qui viennent d’être conclus ont pris place entre les plus grandes transactions de ce siècle. Désormais ces deux années ne sont plus que de l’histoire. Grave et éloquente histoire qui s’éclaire par son dénoûment même ! Si courtes que soient deux années dans la vie des nations, celles qui viennent de s’écouler méritent d’être comptées, quand on les regarde de près, quand on considère les événemens qu’elles ont vus s’accomplir, le sang qui a coulé, l’effort de vaillance et d’héroïsme qui a été fait de part et d’autre. Ces deux années ont mis successivement sous les armes les soldats de cinq nations, sans compter les soldats de l’Autriche, paisiblement assis en spectateurs dans les principautés ; elles ont vu la rude et opiniâtre campagne des Turcs sur le Danube, trois grandes batailles en Crimée et des combats de tous les jours ou plutôt de toutes les nuits, trois sièges diversement mémorables, ceux de Silistrie, de Sébastopol et de Kars, deux bombardemens dans la mer Baltique. Étendue comme les frontières de l’empire des tsars, dont elle ne pouvait saisir que les extrémités, cette guerre a vu tomber par le feu ou par la maladie plus de cinq cent mille hommes dans les diverses armées, et elle a coûté plusieurs milliards. Redoutable dans le présent, elle tenait le continent sous la menace plus terrible encore d’une lutte générale, elle nouait par degrés toute sorte de complications, qui venaient s’ajouter à la complication primitive comme les élémens nécessaires d’un conflit destiné à grandir. C’était le danger permanent, recueil visible à tous les yeux, et ce n’est pas la moindre fortune