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SIR ROBERT PEEL.

à remplir. Je respecte ceux qui remplissent aussi le leur et le font passer avant toute autre considération. Quelques personnes se sont étonnées que, dans un autre lieu, j’ai prononcé le nom de M. Pitt. J’ai certainement pour lui une profonde déférence. Je l’ai toujours regardé comme le premier homme du pays. Nous avons tous notre penchant personnel ; je ne querellerai pas ceux qui préfèrent quelque autre nom. Je me rappelle que, lorsque la personne si intime et si chère à laquelle je viens de faire allusion était un enfant, j’ai dit quelquefois à quelques amis que l’homme qui servait son pays comme le faisait M. Pitt était, dans le monde entier, celui qui méritait le plus d’être admiré et imité. Je pensais alors que, si Dieu me conservait la vie et celle de mon cher enfant, je le présenterais un jour à mon pays pour marcher dans cette voie. Aujourd’hui je ne dirai de lui que ceci : quoique, dans cette circonstance, il dévie du droit chemin, son esprit et son cœur sont droits, et j’espère qu’ils l’y ramèneront. » Le père se rassit ; le fils se leva : « Bien des difficultés, dit-il, m’ont assiégé dans l’examen de cette question ; une surtout m’a été bien pesante, la nécessité de me refuser à une autorité devant laquelle je me suis toujours incliné depuis mon enfance et à laquelle je porterai toujours le plus profond respect. Mon excuse aujourd’hui, c’est qu’un grand devoir public m’est imposé, un devoir dont je ne puis m’affranchir, quels que soient mes sentimens personnels. J’avouerai sans détour, comme sans honte et sans remords, que par suite des enquêtes et des discussions auxquelles j’ai assisté, mes idées sur la question dont il s’agit ont subi un grand changement. J’ai voté, en 1811, contre les résolutions proposées par M. Horner, et maintenant, quoique je diffère toujours beaucoup avec lui sur d’autres grandes questions politiques, je rends hommage à sa sagacité supérieure en cette matière ; ses idées doivent inspirer pour son caractère le plus grand respect, et rendent sa perte à jamais regrettable pour le pays. »

La chambre adopta les propositions de son comité ; la banque devança elle-même de deux ans l’époque fixée pour la reprise de ses paiemens en espèces, et les premières bases de l’autorité de M. Peel en matière de finances furent posées. Un certain nombre de propriétaires fonciers, grevés d’hypothèques par suite de récens emprunts, se plaignirent seuls ; Peel avait, disaient-ils, sacrifié l’intérêt de la propriété territoriale à celui du capital mobilier : symptôme précoce de l’accusation qui devait être élevée un jour contre lui dans une occasion bien plus grave et avec bien plus de passion.

Trois ans s’étaient écoulés depuis son retour d’Irlande ; il avait, durant ce temps et sans occuper aucun emploi, constamment soutenu le cabinet. Lord Liverpool sentait le besoin de fortifier son ad-