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leur eût donnés en échange, leur situation après l’opération eût été la même. Ils eussent été nantis alors de titres de crédit supérieurs, au point de vue de la solvabilité, à leurs effets particuliers, puisque ces ; titres auraient porté la garantie de la banque ; mais ces titres, étant à échéance éloignée, n’eussent point représenté pour eux un capital actuellement disponible. Pour avoir du capital disponible, ils auraient été forcés de négocier ces titres, de les escompter, c’est-à-dire de supporter, en les transmettant, la déduction de l’intérêt des sommes représentées par les billets depuis le moment de la négociation jusqu’au jour de l’échéance des titres. Or le taux de cet intérêt aurait été déterminé par le rapport existant, au moment et sur la place de commerce où aurait eu lieu la négociation, entre l’offre et la demande de capital disponible.

Dans ce système donc, le débat et la fixation de l’intérêt, au lieu d’être régularisés par les banques, seraient livrés, comme ils l’étaient avant l’organisation de ces établissemens de crédit, à toutes les incertitudes et à toutes les variations des négociations individuelles. Une fois la banque de M. Enfantin fondée, il faudrait évidemment en créer aussitôt une autre pour escompter les billets de la banque d’assurance. Et ce ne serait pas le seul avantage que l’on perdrait au remplacement des billets de banque à vue par des obligations remboursables à terme. Que deviendrait l’économie du capital métallique obtenue par le système de la circulation actuelle, économie que représente la différence entre l’encaisse des banques et le montant de leurs billets qui circulent ? La banque de l’école du Producteur n’ayant jamais à payer qu’après avoir encaissé, n’étant point tenue de constituer et d’entretenir ces réservoirs métalliques qui sont aujourd’hui une si précieuse ressource pour le commerce, il faudrait revenir à ces thésaurisations particulières d’autrefois qui stérilisaient pour les besoins de l’ancienne circulation un capital monétaire si considérable. Enfin, au prix de cette véritable rétrogradation économique, aurait-on acquis une sérieuse sauvegarde contre les crises ? Tout au contraire on n’aurait fait qu’y jeter de plus nombreux et plus graves élémens de désordre. En enlevant aux banques le souci de leur réserve métallique, on leur aurait retiré un des moyens d’information les plus utiles pour le gouvernement du crédit dans les circonstances difficiles. Les exportations extraordinaires de numéraire qui précèdent et déterminent les crises, ne pouvant se faire qu’avec les réserves des particuliers, seraient plus difficiles à apprécier, le péril serait connu plus tard et moins bien. Lorsque le mal aurait éclaté, l’imagination des commerçans, n’étant plus rassurée par les puissantes ressources métalliques et l’infatigable sollicitude d’une banque spécialement chargée de pourvoir à ce grand