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la porte du salon s’entr’ouvrit et livra passage à une jolie tête blonde, vivement colorée par la marche et le plaisir de se retrouver avec les siens. Je m’élançai au-devant de ma sœur Marian, et couvris de baisers ses joues vermeilles.

— J’étais sûre de vous faire plaisir, dit-elle en me rendant mes caresses, j’ai prié la tante Thomasine de ne pas vous prévenir, et nous voici arrivées sans dire gare !

Elle battait des mains, elle bondissait… quand tout à coup, apercevant une personne qu’elle ne connaissait pas, elle se prit à rougir, salua gauchement M. Langley, et s’élança dans le corridor. — Oh ! Grisell… que va penser ce monsieur ?… me demanda la petite folle… Je ne le voyais pas… j’ai failli sauter sur lui… — Je m’empressai de la rassurer, et après avoir souhaité la bienvenue à la tante Thomasine, que nous trouvâmes déjà installée auprès de ma mère, je revins auprès de mon complaisant professeur.

— Savez-vous, Grisell, me dit-il, que votre sœur et vous formez un parfait contraste ?… Je vous baptiserais volontiers, vous Clair de Lune, elle Rayon de Soleil.

La définition, du moins en ce qui regardait Marian, n’avait rien que de très juste. C’était une de ces heureuses natures dont l’insouciance, la gaieté, l’élan communicatif, répandent comme une atmosphère de chaleur et d’amour partout où elles s’épanouissent. Mon père ne l’éloignait de lui, j’en suis convaincue, que par crainte de la trop gâter. Ses petites volontés, parfois capricieuses, avaient un charme qui les faisait accepter partout et par tous. M. Langley ne put pas s’y soustraire. Il l’observait avec une sorte de curiosité caressante ; un sourire lui vint aux lèvres dès qu’il eut à lui répondre, et je fus charmée de voir à quel point cet homme grave était susceptible de se laisser gagner aux gentillesses de notre blonde et belle enfant, à peine devenue jeune fille. Il la vit, sans sourciller, prendre d’étranges libertés avec le gros dictionnaire italien dont il m’avait appris à respecter la splendide reliure, et lorsqu’après la première timidité vaincue, elle vint me demander de laisser la « les vieux » et de descendre avec elle au jardin, M. Langley n’hésita pas un moment, convié par elle, à suivre la petite enchanteresse. Il était évidemment flatté de la voir s’accoutumer si vite à lui. Il écoutait avec une complaisance inépuisable ses jolis bavardages, et semblait ne plus s’apercevoir que je fusse au monde. Très décidément il préférait la clarté du jour à celle des nuits. Je n’en fus ni surprise, ni blessée.

Avant le dîner, Marian voulut monter chez moi pour changer de robe et se mettre en frais de toilette. Je l’en dissuadai en riant, et il m’arriva de lui dire que M. Langley ne méritait pas tant de cérémonie, ajoutant qu’il n’était la que pour moi. Ce mot lâché, je